Archive dans 30 novembre 2018

Le nouveau L442-14 du code de l’urbanisme issu de la Loi ELAN

La Loi Elan vient d’être publiée au journal officiel ce mardi 27 novembre 2018, et de fait, le nouvel article L442-14 du code de l’urbanisme rentre en vigueur. Sa nouvelle rédaction, qui ne diffère de l’ancienne que de quelques mots, aura un impact non négligeable sur les permis d’aménager dont les travaux ne sont pas encore achevés.

Nous avons mis en gras et en italique ce qui a changé dans la nouvelle rédaction du L442-14 :

« Lorsque le lotissement a fait l’objet d’une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date.

Lorsque le lotissement a fait l’objet d’un permis d’aménager, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le
fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de délivrance du permis d’aménager, et ce pendant cinq ans à compter de
l’achèvement des travaux constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. »

Ceci pourrait paraître anodin, mais imaginez – et ce fût le cas pour l’un de nos clients – qu’un permis d’aménager ait été délivré trois mois avant la publication du nouveau PLUi, déclassant du secteur constructible 3 lots d’un lotissement traité par la procédure du permis d’aménager.

Si vous vous souvenez que l’ancien L442-14 cristallisait l’état de la règle d’urbanisme pendant 5 ans à compter de l’achèvement des travaux du lotissement, vous comprenez qu’en tant que professionnels précautionneux d’attendre la purge du délai de retrait de l’administration sur le permis d’aménager, les travaux n’ont pas démarré, mais surtout n’ont pas pu être terminés avant la date d’entrée en vigueur du PLUi classant les trois lots en zone agricole !

Dès lors, ces trois lots devenaient, de fait, inconstructibles, malgré une autorisation d’urbanisme de permis d’aménager définitive !

L’entrée en vigueur du nouvel article L442-14 constitue donc une aubaine pour notre client pour lequel, désormais, la vente des trois lots redevient possible, la règle d’urbanisme cristallisée étant celle applicable à la date de délivrance du permis d’aménager.

A noter que la durée du gel des droits à bâtir pendant 5 ans devient démesurément long, si l’on considère qu’il va démarrer à compter de l’achèvement des travaux, mais que ceux-ci peuvent n’être réalisés qu’au bout de 3 ans, voire même interrompus … indéfiniment, tant que l’interruption ne dure pas plus d’un an !

Cela pourrait bien être à déplorer pour les rédacteurs des PLU à venir, ceux-ci n’ayant plus de « prise » sur les emprises traitées en permis d’aménager, pour peu que la commercialisation soit lente, ou que les travaux peinent à être lancés et donc leur première phase terminée.

La rédaction du L442-14 qui avait déjà été rectifiée par une ordonnance de décembre 2011, peut aussi encore progresser d’un tout autre point de vue. En effet, il est aussi à regretter que le législateur n’ait pas cherché à étendre cet effet cristallisateur à toute demande d’autorisation d’occuper le sol. Ainsi, seul le permis de construire est visé, et nul ne sait si les lots issus du lotissement (par DP ou PA) d’un macro-lot, déjà loti, bénéficierait du gel des droits à bâtir provenant du L442-14 ou pas.

D’aucuns considèrent, en effet, que le lotissement étant une procédure préparatoire à l’obtention de permis de construire, l’on ne saurait les refuser sur les lots qui en seraient issus, sans méconnaître les dispositions de l’article L442-14.

Nous ne manquerons pas de vous faire savoir si une Jurisprudence devait se faire jour sur ce point particulier.

Article publié le 30 novembre 2018 par

La servitude de passage pour cause d’enclave (Article 682 du Code Civil)

La servitude de passage pour cause d’enclave trouve son fondement dans l’article 682 du code civil, au chapitre des servitudes légales, qui dispose :

 » Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. »

Il est intéressant de savoir que cet article ne prévoyait, à l’origine du code civil (1804), que le désenclavement pour l’absence d’issue sur la voie publique, et qu’il a évolué à deux reprises :

D’abord, en 1881, pour prendre en compte une issue « insuffisante » : l’on imagine, en effet, que, dans bien des cas, la difficulté ne relevait pas de l’absence de desserte par la voie publique, mais de son manque de confort (largeur de voie insuffisante, en particulier).

Puis, bien plus tard, la référence aux utilisations potentielles du fonds à désenclaver « pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement » est apparue avec la Loi dite d’orientation foncière du 30 décembre 1967, de sorte qu’un propriétaire puisse demander le désenclavement au regard d’une nouvelle exploitation de son fonds.

L’on notera que le texte ne précise pas si cette nouvelle exploitation devait nécessairement être possible au regard des servitudes administratives préalablement à la naissance de la situation d’enclave, ou pas.

Dès lors, il se peut que l’application de cet article du code civil s’avère très perturbante pour les propriétaires voisins susceptibles de devoir « souffrir » le passage par application de l’article 683 (« trajet le plus court du fonds enclavé à la voie publique et fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ») : l’on peut supposer alors que la situation d’enclave d’un terrain puisse ainsi naître avec la levée d’une contrainte administrative !

Ce sera le cas, lorsque l’emprise d’un terrain passe, au plan local d ‘urbanisme, d’une zone non constructible, en zone urbaine ou à aménager : le propriétaire qui n’aurait jamais jusqu’alors revendiqué un état d’enclave, peut subitement demander au Juge de l’Ordre Judiciaire, qu’il lui reconnaisse son droit au désenclavement au regard des règles plus permissives dont il pourrait bien, désormais, vouloir profiter !

Ces considérations très méconnues, et donc très souvent négligées, sont éminemment importantes, pour le Géomètre-Expert et le Notaire, lors des divisions foncières donnant lieu à la création d’une servitude conventionnelle de passage.

En effet, deux options sont possibles pour définir cette servitude :

– soit l’on s’entend pour la constituer « dans l’esprit de l’article 682 du code civil » ce qui sous-entend que, si les possibilités d’utilisation du fonds dominant évoluent favorablement, la servitude est susceptible d’évoluer également,

– soit l’on souhaite prémunir le fonds servant d’un risque d’évolution trop favorable des règles d’utilisation du sol sur le fonds dominant, et il faudra alors agrémenter la servitude conventionnelle de clauses susceptibles de limiter les effets de l’article 682 du code civil, ou prévoyant une indemnisation complémentaire, le cas échéant.

Nous doutons fortement que cette question soit systématiquement appréhendée avec le vendeur et son acquéreur, mais l’on comprend que l’enjeu est important, et qu’il n’est pas exclu que cet oubli puisse être considéré, un jour, comme un manquement au devoir de conseil de la part des professionnels qui auront concouru aux mutations de propriété !

Article publié le 1 octobre 2018 par

 

Comment gagner 7 mois de délai sur une vente de terrain à bâtir grâce à la division primaire !

Depuis le 1er avril 2017, bon nombre de divisions en vue de bâtir se voient imposer le dépôt d’un permis d’aménager en lieu et place de la simple déclaration préalable de division pour le simple fait qu’ils se trouvent en secteur « protégé », l’article R421-19 précise : « dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement« .

En effet, les sites patrimoniaux remarquables définis au L631-1 du code du patrimoine ont le caractère de servitude d’utilité publique et peuvent couvrir un large territoire puisqu’ils ont « digéré » à la fois les anciennes AVAP et ZPPAUP, mais aussi les secteurs sauvegardés.

Il n’est donc pas inutile de se poser la question de savoir si la division en vue de bâtir envisagée par le client est susceptible d’échapper à la règlementation des lotissements.

Ainsi, si le projet de construction consiste en autre chose qu’une maison d’habitation individuelle, le recours au dispositif particulier de la division primaire peut constituer une solution idéale pour gagner du temps et de l’argent !

Certes, c’était déjà le cas lorsqu’on évitait la déclaration préalable de division, car l’on économisait une procédure administrative d’un mois d’instruction, et le délai de retrait de 3 mois. Mais, dans le cas du permis d’aménager, le délai minimum d’instruction est de 4 mois (3 mois de permis d’aménager de droit commun + un mois de délai complémentaire « Architecte des Bâtiments de France »).

Le gain de délai total (pour aboutir à un permis d’aménager définitif) est donc potentiellement de 7 mois minimum sur ce type de dossier ! Si l’on considère aussi le coût du dépôt d’un permis d’aménager, même en un seul lot, le recours à la division primaire est, sans doute, le conseil le plus avisé que l’on puisse vous donner, en tant que professionnel de la division foncière ! … encore faut-il savoir mettre en oeuvre le dispositif !

 

Revendiquer l’utilisation d’un ancien chemin d’exploitation – est-ce possible ?

Un client nous questionne sur la possibilité de revendiquer l’utilisation d’un ancien chemin d’exploitation pour permettre son désenclavement dans les conditions de l’article 682 du code civil.

Pour rappel, l’article 682 prévoit que le désenclavement de la propriété, en cas d’accès insuffisant, vaut, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement.

Dès lors, il se peut qu’il existe déjà un accès à la propriété en dehors de l’usage de l’ancien chemin d’exploitation, mais que ce chemin puisse constituer une « aubaine » pour exploiter des droits à bâtir, non encore utilisés !

En matière de servitude légale, c’est-à-dire résultant de l’application de l’article 682 du code civil, l’assiette d’un passage ne peut plus être revendiquée après trente ans de non usage.

En revanche, le droit de passage découlant de la servitude légale ne s’éteint pas par le non-usage (Cass 3ème civile 11 février 1975).

Quel parallèle peut-on faire en matière de chemin d’exploitation ?

Si, pour des besoins de désenclavement d’une propriété privée, il peut être retrouvé la trace d’un ancien chemin d’exploitation qui permette le désenclavement, il est clair que l’une des solutions pour la mise en oeuvre de l’article 682 du code civil, et, en particulier, pour répondre aux exigences de l’article 683 (trajet le plus court et le moins dommageable), sera la réouverture du chemin d’exploitation au profit du fonds enclavé !

C’est ce qui fût jugé ici, indépendamment même des dispositions de l’article 682 : Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 2 novembre 2005, 04-17.297

« la cour d’appel a pu retenir que (…) le non-usage trentenaire allégué était sans incidence sur le droit des riverains d’emprunter le chemin d’exploitation, ce droit n’étant pas susceptible de s’éteindre par le non-usage ; « 

Quid, alors de l’indemnisation des fonds servants, posée par l’article 682 ?

De notre point de vue, si le chemin d’exploitation n’a pas perdu son statut par le non usage, l’on pourrait considérer que l’indemnisation n’a pas lieu d’être !

Il se trouve que c’est ainsi qu’a déjà été tranchée la question de façon indirecte : Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 4 février 1998, 96-12.554, Publié au bulletin

« Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de constater l’existence d’un chemin d’exploitation traversant notamment les parcelles lui appartenant et de dire que M. Y… bénéficiait d’un droit de passage en sa qualité de propriétaire riverain sur ce chemin, alors, selon le moyen, que si le droit de copropriété sur un chemin d’exploitation ne s’éteint pas par le seul fait du non-usage trentenaire, nulle disposition légale n’interdit à l’un des copropriétaires d’usucaper, de façon exclusive, l’assiette du chemin par une possession de trente ans ; qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que l’assiette du chemin litigieux n’existait plus depuis 1942 et que M. Y…, demandeur au rétablissement du passage, résultant de l’existence antérieure d’un chemin d’exploitation, n’avait ni par lui-même, ni par ses auteurs, utilisé ledit chemin depuis plus de trente ans ; qu’en se bornant, dès lors, à retenir que le non-usage dudit chemin par M. Y… ou ses auteurs n’entraînait pas l’extinction du droit de passage, sans rechercher si M. X… n’avait pas précisément prescrit par une possession trentenaire l’assiette du passage, ainsi que l’avait d’ailleurs relevé le tribunal de grande instance, la cour d’appel ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles L. 162-1 du Code rural, ensemble au regard des articles 544, 712, 2219 et 2262 du Code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’assiette du chemin d’exploitation n’existait plus, depuis au moins 1942, dans sa partie dont M. X…, propriétaire de la parcelle 524, et M. Y…, propriétaire de la parcelle 523, sont riverains, la cour d’appel, qui a retenu à bon droit qu’un chemin d’exploitation ne peut être supprimé que du consentement de tous les propriétaires et qu’un propriétaire riverain ne peut perdre par non-usage trentenaire le droit d’utiliser l’ensemble du chemin, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ; »

Cette solution retenue par la Cour de Cassation amène deux autres enseignements : le chemin d’exploitation ne peut être usucapé par l’un des copropriétaires, tant que celui-ci survit, et il survit, dès lors que les copropriétaires n’ont pas tous consenti à le voir disparaître.

Ainsi, si, grâce à l’existence du chemin d’exploitation, il n’y a pas d’enclave, il n’y a pas non plus d’indemnisation des copropriétaires pour l’utiliser à nouveau, si tous les copropriétaires du chemin n’ont pas renoncé à son existence !

Article publié le 24 juillet 2018 par