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Mon permis de construire fait l’objet d’un recours – que faire ?

Qu’il s’agisse d’un permis de construire ou d’une autre autorisation d’urbanisme (DP travaux, DP division, PA), les AOS (Autorisation d’Occupation du Sol) sont parfois difficiles à obtenir. C’est pourquoi, il peut être fort désagréable, lorsque la période des deux mois d’affichage obligatoire arrive à son terme, de recevoir, le dernier jour, un recommandé notifiant le recours d’un voisin à l’encontre de la décision favorable !

Afin de pallier au risque de découragement qui pourrait vous faire abandonner précipitamment un projet qui vous tenait particulièrement à coeur, nous vous livrons ici quelques pistes pour vous accompagner dans ces nouvelles péripéties et, peut-être, vous redonner espoir :

Tout d’abord, nous vous conseillons de vous rapprocher d’un juriste afin de procéder à un audit de recevabilité du recours pour évaluer les risques d’annulation de votre autorisation d’urbanisme.

En effet, il se peut que le recours se trouve être irrecevable, notamment pour des questions de forme (oubli de notification, défaut d’intérêt à agir, forclusion des délais de recours) auquel cas un Avocat pourra vous obtenir facilement une ordonnance d’irrecevabilité manifeste auprès du Tribunal Administratif. Ceci aura pour effet d’effacer purement et simplement tous les effets du recours.

Si cette première vérification s’avère infructueuse dans votre cas, il est possible que votre autorisation soit régularisable par un simple modificatif. C’est le cas lorsque la règle d’urbanisme permet de rectifier simplement la (ou les) illégalité(s) constatée(s) dans votre permis par le requérant.  Il s’agira alors de procéder à cette demande modificative et de penser à purger le nouvel arrêté du nouveau risque de recours des tiers – à noter que les recours ne pourront plus porter que sur les éléments modifiés du permis, ce qui a pour effet de réduire substantiellement le champ d’action des éventuels nouveaux requérants.

Ne reste généralement que le cas où le recours n’est pas irrecevable dans la forme, mais potentiellement dans le fond, avec une impossibilité matérielle de faire disparaître totalement le risque d’annulation (difficulté d’interprétation de la règle d’urbanisme et impossibilité de régulariser la demande par un permis modificatif).

Dans ce dernier cas, l’avis de votre Avocat sera déterminant. S’il estime que le recours n’est pas fondé, il sera votre meilleur allié pour faire aboutir votre projet.

Il devra éclairer votre choix d’engager ou non les travaux, et disposera alors de différents moyens d’action pour sécuriser, voire solutionner, votre situation :

  • le mémoire en défense, assorti d’une demande d’ordonnance de cristallisation de moyens permettra de répondre point par point aux illégalités soulevées, mais aussi d’empêcher que de nouveaux moyens soient soulevés au fil de l’instruction devant le Tribunal Administratif,
  • le cas échéant, le dépôt d’une procédure au civil pour recours abusif pourra permettre d’engager une transaction avec le (ou les) requérant(s). A l’issue des discussions, la signature d’un protocole d’accord transactionnel sera susceptible de déboucher sur un désistement du recours. Cet accord devra alors être enregistré conformément à l’article 635 du code des impôts.

La servitude de passage pour cause d’enclave (Article 682 du Code Civil)

La servitude de passage pour cause d’enclave trouve son fondement dans l’article 682 du code civil, au chapitre des servitudes légales, qui dispose :

 » Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante, soit pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner. »

Il est intéressant de savoir que cet article ne prévoyait, à l’origine du code civil (1804), que le désenclavement pour l’absence d’issue sur la voie publique, et qu’il a évolué à deux reprises :

D’abord, en 1881, pour prendre en compte une issue « insuffisante » : l’on imagine, en effet, que, dans bien des cas, la difficulté ne relevait pas de l’absence de desserte par la voie publique, mais de son manque de confort (largeur de voie insuffisante, en particulier).

Puis, bien plus tard, la référence aux utilisations potentielles du fonds à désenclaver « pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de construction ou de lotissement » est apparue avec la Loi dite d’orientation foncière du 30 décembre 1967, de sorte qu’un propriétaire puisse demander le désenclavement au regard d’une nouvelle exploitation de son fonds.

L’on notera que le texte ne précise pas si cette nouvelle exploitation devait nécessairement être possible au regard des servitudes administratives préalablement à la naissance de la situation d’enclave, ou pas.

Dès lors, il se peut que l’application de cet article du code civil s’avère très perturbante pour les propriétaires voisins susceptibles de devoir « souffrir » le passage par application de l’article 683 (« trajet le plus court du fonds enclavé à la voie publique et fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé ») : l’on peut supposer alors que la situation d’enclave d’un terrain puisse ainsi naître avec la levée d’une contrainte administrative !

Ce sera le cas, lorsque l’emprise d’un terrain passe, au plan local d ‘urbanisme, d’une zone non constructible, en zone urbaine ou à aménager : le propriétaire qui n’aurait jamais jusqu’alors revendiqué un état d’enclave, peut subitement demander au Juge de l’Ordre Judiciaire, qu’il lui reconnaisse son droit au désenclavement au regard des règles plus permissives dont il pourrait bien, désormais, vouloir profiter !

Ces considérations très méconnues, et donc très souvent négligées, sont éminemment importantes, pour le Géomètre-Expert et le Notaire, lors des divisions foncières donnant lieu à la création d’une servitude conventionnelle de passage.

En effet, deux options sont possibles pour définir cette servitude :

– soit l’on s’entend pour la constituer « dans l’esprit de l’article 682 du code civil » ce qui sous-entend que, si les possibilités d’utilisation du fonds dominant évoluent favorablement, la servitude est susceptible d’évoluer également,

– soit l’on souhaite prémunir le fonds servant d’un risque d’évolution trop favorable des règles d’utilisation du sol sur le fonds dominant, et il faudra alors agrémenter la servitude conventionnelle de clauses susceptibles de limiter les effets de l’article 682 du code civil, ou prévoyant une indemnisation complémentaire, le cas échéant.

Nous doutons fortement que cette question soit systématiquement appréhendée avec le vendeur et son acquéreur, mais l’on comprend que l’enjeu est important, et qu’il n’est pas exclu que cet oubli puisse être considéré, un jour, comme un manquement au devoir de conseil de la part des professionnels qui auront concouru aux mutations de propriété !

Article publié le 1 octobre 2018 par

 

Votre voisin néglige votre demande de bornage amiable – faut-il aller directement au bornage judiciaire ?

Dans cette affaire, la cliente faisait valoir que son voisin avait engagé des travaux qui semblaient empiéter sur sa propriété. Devant la condescendance de celui-ci, elle avait saisi son Avocat qui l’orientait sur du bornage judiciaire.

Voici la réponse que je lui avais faite :

« Madame,

Votre démarche me semble être de bonne foi, et voici comment j’analyse cette question, indépendamment de mes deux « casquettes » (Géomètre-Expert et Expert de Justice).

Le coût du bornage judiciaire est généralement provisionné par le Juge à 2000 €, certes !

Pour autant, par expérience, je constate que les opérations se soldent souvent avec des montants d’honoraires situés entre 3000 et 4000 € HT !

Le bornage est généralement partagé entre les deux parties, par application pure et simple de l’article 646 du code civil.

Malheureusement, ce coût ne comprend pas les émoluments des Avocats des parties, et rien ne permet d’imaginer que le Juge condamnerait la partie défenderesse à régler les frais de Justice à la partie la plus diligente, en motivant sa décision par la négligence coupable de la partie adverse.

Pour l’instant, je ne crois pas que les Juges d’Instance reprochent au requérants de n’avoir pas cherché à passer préalablement par la voie amiable.

Pour autant, il me semble déterminant, en prévision d’un recours au bornage judiciaire, de solliciter auprès d’eux un bornage à frais partagés, de façon à préparer le dossier judiciaire, en démontrant leur probable mauvaise foi.

Je m’explique :

Le prix d’un bornage varie en fonction de divers paramètres (relations de voisinage, disponibilité des parties sur place, nombre de signatures à recueillir, bonne foi et participation active des parties, …)

Imaginons que votre bornage amiable soit devisé à 2000 € HT, compte-tenu du fait que, les relations étant difficiles, la procédure que constitue le bornage pourrait être assimilée à un acte de disposition, alors qu’il a encore été jugé tout récemment que celui-ci relève normalement de l’acte d’administration (Arrêt du 12 Avril 2018  – Cassation 3ème Ch civ – n°16-24.556 publié au recueil Lebon).

Il est évident que si les voisins acceptent de « coopérer » aux opérations de bornage, le prix pourra être revu à la baisse, même dans le cas de l’acte de disposition (risque d’écart entre la proposition de limite du voisin, et celle soumise par le Géomètre-Expert) !

Dès lors, si l’on propose trois solutions au voisin, et qu’il les refuse toutes, le remboursement des frais d’Avocat et d’expertise, en cas de bornage judiciaire devrait pouvoir être obtenu auprès du Juge, me semble-t-il !

Voici quelles pourraient être ces trois solutions :

  1. L’article 646 du code civil prévoit le bornage à frais partagés, soit 1000 € HT par partie. Votre voisin aurait tout loisir de dire qu’il n’a pas budgété cette somme pour l’instant, et qu’il refuse parce qu’il considère que le fait de ne pas connaître ses limites de propriété ne constitue en rien une difficulté pour lui. Cette position est déjà difficile à entendre pour un Juge d’Instance, saisi à postériori, puisque, dans votre cas, c’est bien votre voisin qui a engagé des travaux ! C’est donc bien lui qui provoque la nécessité du bornage !
  2. A défaut d’accepter cette solution, il pourrait, à minima, contribuer à limiter le coût du bornage, en concédant une participation active à la démarche, et en acceptant d’en payer une partie, même symbolique.
  3. S’il n’accepte pas cette deuxième solution, il existerait une dernière solution avant d’ester en instance devant le Juge Judiciaire, qui consisterait à lui demander s’il est prêt à participer de bonne foi au bornage (aide au recueil des signatures sur un mandat de bornage, aide à la fixation d’une date de convocation, …etc), sans y participer financièrement.

Il est évident que dans le cas d’un refus, y compris de la dernière solution, vous vous trouvez alors dans une situation idéale pour demander au Juge que le bornage ne vous coûte rien de plus que – et au grand maximum – le montant du devis de bornage amiable dans le cas où vous l’auriez pris entièrement à votre charge (soit 2000 €) !

Mais mieux encore, si le PV de carence rédigé établit une limite, comme probablement celle qui devrait résulter d’une expertise judiciaire, et que le Jugement de bornage judiciaire, finalement prononcé, vient confirmer cette limite, l’on peut imaginer que le Juge sera tenté de condamner la partie récalcitrante aux dépends de la procédure, dans son intégralité !

Je vous propose de faire suivre cette analyse à votre Avocat pour recueillir son avis »

Le conseil de l’avocat fût alors de suivre notre proposition, de manière à se trouver, en cas de démarche judiciaire, dans une bien meilleure position pour limiter les frais engendrés par l’indélicatesse du voisin.

Rédigé le 29 mai 2018 par 

Quel risque pour un Maire à ne pas surseoir à statuer à une demande d’occuper le sol, lorsque la règle doit évoluer défavorablement..

Les deux conditions pour permettre à une autorité compétente en matière d’autorisation d’occuper le sol de surseoir à statuer sont prévues à l’article L153-11 du code de l’urbanisme.

Il « suffit » que la demande soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan et que le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable ait eu lieu.

Les deux conditions sont cumulatives, de sorte que si une seule d’entre elles n’est pas vérifiée, le sursis à statuer est entaché d’illégalité.

S’il est, à présent, facile de savoir si la deuxième condition est remplie (cette condition d’avancement suffisant du futur document d’urbanisme, d’abord fixée par la Jurisprudence, a été explicitée dans la nouvelle rédaction du L153-11 depuis janvier 2017), il est bien plus délicat, en revanche, de déterminer si une demande d’occuper le sol porte atteinte ou pas au futur plan local d’urbanisme.

Il aurait été facile de considérer qu’il suffise de démontrer que le projet présenté est non conforme aux règles du futur document d’urbanisme pour que celui-ci soit « de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’exécution du futur plan », mais il n’en est rien !

En effet, la Jurisprudence a pu sanctionner à maintes reprises des sursis à statuer opposés à des projets de faible ampleur, bien que ceux-ci se révélaient effectivement non conformes à la future règle d’urbanisme. L’on citera les trois Jurisprudences les plus connues en la matière : CE n°208398 du 25 avril 2013, CE n°381248 du 7 juillet 2015 et CAA de Lyon n° 15LY00981 du 2 août 2016.

Lorsqu’il s’agit de délivrance d’autorisation d’occuper le sol, c’est encore le Maire, aujourd’hui, qui est compétent, même si la compétence en matière de planification urbaine est, à présent, très majoritairement déjà transférée aux EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale).

C’est donc au Maire qu’il revient de juger s’il doit surseoir ou non à une demande d’urbanisme, sur la base d’un projet d’arrêté préparé par un service instructeur dépendant de l’EPCI !

Or, précisément, les techniciens du service instructeur, proches de ceux des services élaborant le futur document d’urbanisme, peuvent être tentés de lui soumettre une décision plus politique que juridique…

Quel risque prend-il donc à ne pas surseoir à statuer  lorsque l’EPCI le lui suggère !

Certes, le risque n’est pas nul de se voir censurer, … mais il est maîtrisable !

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 26 décembre 2012, n°347458, a ainsi pu juger que le Maire de Montrouge, avait commis l’erreur de ne pas surseoir, alors même que le sursis apparaît à l’article L153-11, comme une simple faculté, et jamais une obligation.

Il faut aussitôt nuancer le propos, en précisant qu’en l’espèce, il fût nécessaire de démontrer « l’erreur manifeste d’appréciation » du Maire, par un contrôle « approfondi » de la situation. Il s’avérait, en effet, que le permis de construire octroyé prévoyait la construction d’un immeuble collectif de 13 logements et un local d’activité en plein secteur pavillonnaire, son emprise au sol atteignant 450 m² alors que le futur document d’urbanisme tendait à réaffirmer le caractère pavillonnaire de la zone en limitant l’emprise au sol des bâtiments à 100m² !

En dehors de ces cas extrêmes, un Maire doit savoir qu’il risque davantage la censure du Juge lorsqu’il sursoit à une demande alors qu’il ne le devrait pas !

En effet, l’illégalité de l’absence de sursis à statuer est plus difficile à motiver pour un Juge, comme on vient de le voir (contrôle approfondi), que l’illégalité d’un sursis abusif !

Seront, par exemple, jugés abusifs les sursis à statuer opposés à des demandes de division en un à deux lots, ou de permis de construire pour une à deux constructions, sur une future zone agricole ou naturelle de plusieurs hectares de superficie !

Ainsi, lorsque l’atteinte portée par le projet au futur document d’urbanisme est manifestement minime, il sera plus sage pour un Maire de ne pas surseoir à une demande.

En agissant ainsi, le seul risque qu’il prend, est de voir sa décision censurée par le contrôle de légalité, qui n’aurait pas la même lecture de l’atteinte au projet de plan local d’urbanisme. Le Préfet demanderait alors au Maire de rapporter son arrêté.

Dans tous les cas, nous préconisons d’attendre que la décision devienne « définitive », à savoir que les délais de purge des recours, de retrait, ou de déféré préfectoral soient écoulés.

Le 22/02/2018, par Thierry Bléard, Géomètre-Expert.

Permis de construire et desserte insuffisante des réseaux : modalités de refus

(Source : droitdelurbanisme.com)

Conseil d’État N° 303867 Mentionné dans les tables du recueil Lebon, 1ère et 6ème sous-sections réunies, M. Vigouroux, président, M. Alexandre Lallet, rapporteur, Mlle Courrèges Anne, commissaire du gouvernement, SCP DIDIER, PINET ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats, lecture du mercredi 4 mars 2009
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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 19 juin 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Samia A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 18 janvier 2007 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a, à la demande de la commune de Communay, d’une part, annulé le jugement du 13 avril 2006 du tribunal administratif de Lyon annulant l’arrêté du 6 novembre 2003 du maire de cette commune refusant de lui délivrer un permis de construire et, d’autre part, rejeté la demande qu’elle avait présentée devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions en appel ; Lire la suite