Étiquette dans étalement urbain

Les chiffres de l’étalement urbain

Étalement urbain, périurbanisation, artificialisation des sols, émiettement du territoire… Tous ces termes vont dans le même sens et signifient l’expansion des surfaces urbanisées en périphérie des villes. Pour comprendre ce phénomène à l’œuvre depuis l’avènement de la voiture, nous exposons une série de chiffres marquants. Dans cet article, nous raisonnerons en kilomètres carrés[1]. Pour y voir plus clair et saisir l’ordre de grandeur, il faut savoir qu’1 km2 correspond à 100 terrains de football. 

  • 9% : c’est la part qu’occupent les sols artificialisés sur l’ensemble du territoire métropolitain en 2014, soit environ 51 000 km2. L’artificialisation correspond au remplacement d’une terre ou d’un milieu naturel par des sols bâtis en vue d’une activité humaine. La dernière enquête sur l’utilisation du territoire – menée par le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt – dévoile également que l’urbanisation progresse aux dépens des espaces naturels (40% du territoire) et des terres agricoles (51%).
  • 24 500 km: c’est la surface dévolue aux matériaux utilisés pour le revêtement de la chaussée : bitume, goudron, asphalte… En d’autres termes, les routes représentent presque la moitié des terres artificialisées. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, les habitations ne sont à l’origine que de 18% de l’artificialisation des sols, loin derrière les jardins privés et les espaces verts (31%).
  • Un département tous les dix ans : l’urbain s’empare toutes les décennies d’une superficie de 6000 km2, soit la taille moyenne d’un département français. C’est le chiffre choc mis en avant par de nombreux rapports et par le livre La tentation du bitume d’Olivier Razemon et d’Éric Hamelin[2].
  • – 420 km2/ an: c’est le rythme de l’artificialisation des terres agricoles dans l’hexagone entre 2010 et 2012. Cette tendance, bien que préoccupante, est en baisse constante depuis l’année 2008. On peut légitiment supposer que la crise économique a mis à mal de nombreux projets d’aménagements en périphérie des villes existantes. Ces projets, situés dans des espaces où tous les réseaux sont à construire, peuvent s’avérer particulièrement coûteux pour les collectivités locales voire même parfois pour les propriétaires.
  • 670 millions de dollars: c’est la somme que la région d’Halifax, au Canada, pourrait économiser en construisant 25% des nouveaux logements dans les portions urbaines déjà constituées. Fruit d’une étude réalisée par la très sérieuse entreprise de conseil Stantec, ce chiffre montre les avantages d’un développement urbain compact. L’aire métropolitaine d’Halifax, 414 000 habitants selon le dernier recensement, a une densité extrêmement faible. La croissance urbaine s’effectue principalement en périphérie, ce qui engendre de multiples coûts pour créer et entretenir des réseaux (routes, assainissement, électricité) qui ne seront que faiblement utilisés tant la densité est dérisoire. Depuis 2006, seules 16% des nouvelles habitations sont construites dans des portions urbaines du territoire d’Halifax. L’étude a bâti différents scénarios pour que cette part passe à 25%, objectif affiché de la collectivité, voire à 50%. Si ce dernier scénario était atteint, la région d’Halifax pourrait théoriquement économiser 3 milliards de dollars.

Quitter la ville pour la périphérie est souvent motivé par l’espoir de faire des économies et de gagner de l’argent. Les entreprises et les propriétaires se disent que le foncier est moins cher puisque plus abondant. Les collectivités sont ravies d’accueillir de nouveaux ménages solvables. Mais cette logique ne fonctionne qu’en oubliant les coûts cachés de l’étalement urbain.

L’excellent site thecostofsprawl.com, porté par le réseau national de recherche de l’université d’Ottawa Sustainable Prosperity, se propose d’exposer ces coûts pour chaque acteur : coût de la congestion des routes pour les entreprises, coût de la dépendance à la voiture pour les propriétaires, coût de la construction et de la maintenance des infrastructures et des réseaux pour l’État et les collectivités territoriales… Sans compter les coûts sociaux, environnementaux ou en matière de santé publique.

La lutte contre l’étalement urbain remise en cause

Selon une étude du SNAL et de l’UMF, l’expansion urbaine est une des solutions à envisager pour résoudre la crise du logement.

Selon une étude du SNAL et de l’UMF, l’expansion urbaine est une des solutions à envisager pour résoudre la crise du logement. BAZIZ CHIBANE SIPA

A l’heure où le foncier est rare et cher, le Syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal) et l’Union des maisons françaises (UMF) récusent la notion de « lutte contre l’étalement urbain » mise en avant dans les politiques d’urbanisme, jugeant qu’elle conduit à produire des logements à un coût de plus en plus élevé. De 2000 à 2006, la population a crû en France métropolitaine de 4,4 % au regard d’une progression de 1,7 % des surfaces urbanisées, ce qui signifie que l’étalement urbain, tel que défini par l’Agence européenne de l’environnement, a régressé, font valoir le Snal et l’UMF, en dévoilant une étude confiée au consultant urbain Olivier Piron. Par ailleurs, l’expansion urbaine « a permis de loger depuis 50 ans une population accrue dans de meilleures conditions de confort », poursuivent ces organisations, jugeant qu’elle n’est « pas un problème, mais une solution ».

Selon une analyse européenne menée en 2003 sur 94 agglomérations, citée par l’étude, le seuil de densité de 4.000 habitants/km², qui correspond à 100 logements/hectare, est celui vers lequel tendent les communes qui se densifient en régions et les villes nouvelles. Car les habitants « ont des exigences croissantes en matière de confort au sens large, logement et modes de vie (espaces verts, écoles…) ». Or, dans les villes denses, « le terrain nu est bien sûr assez rare, et donc cher », et le coût technique de la construction est sensiblement plus élevé – celui des parkings souterrains, peut même annihiler « la possibilité d’amortir des dépenses de construction sur plus de mètres carrés à commercialiser ».

« Dans ces conditions, vouloir répondre à la demande de logement par une densification des secteurs déjà denses – le cas de la majorité des grandes villes françaises -, ne peut conduire qu’à une impasse, comme on le voit depuis 20 ans en Ile-de-France, avec un rythme de construction bien inférieur à celui du reste du pays », estime l’étude commandée par le Snal et l’UMF. La production actuelle de logements neufs est évaluée entre 30.000 et 35.000 logements par an selon les années, alors que les objectifs du Grand Paris misent sur 70.000 logements neufs par an. La volonté de recourir prioritairement à la densification « conduit logiquement à un accroissement du mal-logement, et bien sûr d’abord pour les plus pauvres ».