Est-il toujours possible de construire sur un terrain « réputé » constructible ?

Est-il toujours possible de construire sur un terrain « réputé » constructible ?

Est-il toujours possible de construire sur un terrain « réputé » constructible ?

Lors d’une vente de terrain à bâtir, le Notaire prévoit, sauf exception, d’insérer une clause suspensive d’obtention du permis de construire, et, à minima, purgé des recours de tiers. Dans cet article, nous allons nous intéresser aux raisons d’une telle précaution. 

1. D’abord, qu’est-ce qu’un terrain « réputé » constructible ?

Pour comprendre l’intérêt de la question posée, il faut tout d’abord se figurer que la notion de « terrain à bâtir » n’existe qu’en droit fiscal. En effet, le législateur, au fil des ans et des décennies, a trouvé dans le terrain à bâtir, un support de fiscalité très intéressant, et, d’autant plus intéressant, à mesure qu’il est devenu nécessaire de freiner la consommation des espaces agricoles (années 2000 avec la Loi SRU) pour construire, et donc à mesure que la matière « gisement à bâtir » devenue épuisable, a pris de la valeur !

Ainsi, l’on trouve sur internet, par exemple, cette définition du terrain à bâtir dans le lexique de Me Bruno Bédaride, Notaire à Paris :

« Immeuble placé dans une zone urbaine ou à urbaniser en vertu des documents d’urbanisme autorisant tout projet de construction en conformité avec les règles d’urbanisme applicables à cet immeuble. Les acquisitions de terrains à bâtir sont assujetties à la TVA immobilière sauf pour celles consenties à des personnes physiques* non assujetties à la TVA. »

En revanche, l’on ne trouvera aucune définition du « terrain à bâtir » dans le droit de l’urbanisme. L’on considérera donc que le terrain « réputé » constructible est un terrain pour lequel la règle d’urbanisme auquel il est assujetti, n’interdit pas la construction.

A noter ensuite, qu’en utilisant la formule « terrain constructible », l’on commet une première approximation puisqu’il faut distinguer la « construction » du « bâtiment » (le bâtiment doit pouvoir servir d’abri, ce que l’on n’exige pas d’une « construction »). Or, il est des zones géographiques où il est interdit d’édifier des bâtiments alors qu’il est parfaitement possible d’y installer des certaines constructions (ne serait-ce qu’une clôture, par exemple !)

A noter enfin que, par manque de rigueur, l’on assimile facilement la notion de terrain à bâtir, à la possibilité d’édifier des bâtiments à usage exclusif d’habitation, de sorte que l’on ne parlera que rarement de « terrain à bâtir » en zone agricole ou en zone naturelle, alors qu’il est, sous certaines conditions, parfaitement envisageable d’y édifier des bâtiments !

2. Quels peuvent être les freins à la construction sur un terrain « réputé » constructible ?

Pour l’intérêt de l’article, nous considérerons donc ici le terme « constructibilité », dans le sens particulier de « possibilité d’édifier un bâtiment ».

Nous n’avons pas la prétention de faire ici une analyse exhaustive des cas de terrains à bâtir « réputés » constructibles sur lesquels il ne sera finalement pas possible d’utiliser la totalité des droits à bâtir, mais simplement démontrer que la « constructibilité » au regard du droit de l’urbanisme « n’emporte » pas systématiquement la possibilité d’édifier une construction.

Les freins aux projets immobiliers peuvent provenir à la fois de règles émanant de l’ordre judiciaire (droit civil), mais aussi d’autres règles émanant de l’ordre administratif, qui viendraient contredire la règle d’urbanisme, elle-même étant pourtant déjà une contrainte de droit public.

Voici deux exemples dans lesquels le respect du droit de la propriété (régi par le code civil) peut constituer un premier frein à un projet immobilier :

  • Un terrain peut parfaitement être situé en zone urbaine, et donc réputé constructible, sans que les droits à construire puissent être utilisés par le pétitionnaire, parce qu’il doit souffrir une servitude conventionnelle « non-aedificandi », par exemple,

  • Un terrain peut également être situé en zone urbaine, donc réputé constructible mais le cahier des charges du lotissement a défini des règles de limitation de la constructibilité, ou de limitation des divisions en vue de construire…

Dans le droit public, le respect du code du patrimoine peut constituer un autre frein à un projet immobilier :

  • La construction peut être empêchée par une hypothèque archéologique. En particulier, si l’on considère le cas dans lequel les fouilles prescrites par la préfecture mobilisent un budget mettant en péril économique le projet immobilier envisagé,

  • L’Architecte des Bâtiments de France peut également s’opposer au projet envisagé. Certes, cet avis devra être motivé au regard des prérogatives dont il dispose. Pour autant, dans les faits, un projet immobilier dans une zone où l’Architecte des Bâtiments de France doit rendre un avis « conforme » peut se trouver fortement remis en cause !

Le respect du code de l’environnement peut aussi constituer un frein sérieux à la construction. En effet, des mesures de protection de l’environnement (zone humide, zone Natura 2000, zone soumise à arrêté de protection de biotope,…) pourront empêcher un projet immobilier, ou bien le soumettre à des mesures compensatoires, après avoir mesuré son impact environnemental.

Le code de l’énergie peut également constituer un frein à la construction lorsqu’une canalisation de transport d’énergie traverse, sous couvert d’utilité publique, une propriété, fût-elle située en zone urbaine !…

3. Quels impacts de ces différents cas sur l’octroi d’un permis de construire ?

Pour que la condition d’obtention du permis de construire, prévue au stade du compromis, ait toute sa raison d’être, encore faut-il que ces différents freins à la construction de figure puissent être détectés au stade du permis de construire !

Est-ce le cas systématiquement ?

L’on distinguera à nouveau les freins liés à l’ordre judiciaire, de ceux liés à l’ordre administratif.

Ainsi, en matière civile, le législateur a organisé la possibilité, pour tout tiers y ayant intérêt, à agir en Justice contre la mise en oeuvre d’un permis de construire qui méconnaîtrait ses droits d’ordre privé. 

C’est heureux, car selon le principe de la séparation des deux ordres, il est impossible pour l’autorité compétente, quand bien même elle aurait connaissance d’éléments s’opposant à la mise en oeuvre de l’autorisation délivrée, de motiver un refus de construire sur la base de motifs de droit privé.

L’on dit qu’elle délivre les autorisations « sous réserve du droit des tiers »…

En matière de droit public, dans la plupart des cas, le droit pour un pétitionnaire de se voir apporter une réponse cohérente de l’administration, en tant qu’administré, a conduit le législateur à créer les passerelles nécessaires entre les différentes réglementations.

Ainsi, le certificat d’urbanisme se devra de mentionner toutes les servitudes administratives qui grèvent le terrain, objet de la demande.

Lors de l’instruction, les pièces du permis de construire seront alors transmises au personnes morales de droit public susceptibles d’être concernées par le projet immobilier.

Dans certains cas, le législateur aura d’ailleurs prévu des délais d’instruction complémentaires pour permettre au service sollicité de faire valoir son avis et prescriptions. C’est le cas à l’égard des contraintes immobilières issues du code du patrimoine, ou liées à des contraintes de passage de réseaux publics dans ou à proximité du terrain objet du projet.

En matière environnementale, il existe un parallélisme des procédures qui nuit parfois à la clarté pour le pétitionnaire. En effet, il conviendra souvent de déposer des dossiers d’étude auprès d’autres services, dans le cadre de procédures complémentaires. Les instructions devront alors se superposer et seul le service instruisant le permis de construire se souciera parfois de l’issue favorable des autres instructions, sous peine de refuser le permis de construire,…

Dans d’autres cas, ce sera au pétitionnaire de savoir qu’il ne doit pas mettre en oeuvre son permis de construire sans avoir réuni l’ensemble des autorisations complémentaires nécessaires.

En conclusion, le fait d’avoir obtenu un permis de construire purgé du recours des tiers et devenu « définitif » administrativement limite très fortement le risque d’inconstructibilité d’un terrain « réputé » constructible. Pour autant, d’autres difficultés d’ordre économique peuvent survenir lorsque, par exemple, la qualité du sous-sol impacte fortement le coût des fondations.

Ainsi, il sera toujours utile d’être accompagné de professionnels locaux.

Le 22 février 2018, par Thierry Bléard Géomètre Expert

Thierry BLEARD

Thierry BLEARD Géomètre-Expert à Boulogne sur Mer Expert près la Cour d'Appel de DOUAI thierry.bleard@bleard-lecocq.fr