Quel risque pour un Maire à ne pas surseoir à statuer à une demande d’occuper le sol, lorsque la règle doit évoluer défavorablement..

Quel risque pour un Maire à ne pas surseoir à statuer à une demande d’occuper le sol, lorsque la règle doit évoluer défavorablement..

Les deux conditions pour permettre à une autorité compétente en matière d’autorisation d’occuper le sol de surseoir à statuer sont prévues à l’article L153-11 du code de l’urbanisme.

Il « suffit » que la demande soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan et que le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable ait eu lieu.

Les deux conditions sont cumulatives, de sorte que si une seule d’entre elles n’est pas vérifiée, le sursis à statuer est entaché d’illégalité.

S’il est, à présent, facile de savoir si la deuxième condition est remplie (cette condition d’avancement suffisant du futur document d’urbanisme, d’abord fixée par la Jurisprudence, a été explicitée dans la nouvelle rédaction du L153-11 depuis janvier 2017), il est bien plus délicat, en revanche, de déterminer si une demande d’occuper le sol porte atteinte ou pas au futur plan local d’urbanisme.

Il aurait été facile de considérer qu’il suffise de démontrer que le projet présenté est non conforme aux règles du futur document d’urbanisme pour que celui-ci soit « de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’exécution du futur plan », mais il n’en est rien !

En effet, la Jurisprudence a pu sanctionner à maintes reprises des sursis à statuer opposés à des projets de faible ampleur, bien que ceux-ci se révélaient effectivement non conformes à la future règle d’urbanisme. L’on citera les trois Jurisprudences les plus connues en la matière : CE n°208398 du 25 avril 2013, CE n°381248 du 7 juillet 2015 et CAA de Lyon n° 15LY00981 du 2 août 2016.

Lorsqu’il s’agit de délivrance d’autorisation d’occuper le sol, c’est encore le Maire, aujourd’hui, qui est compétent, même si la compétence en matière de planification urbaine est, à présent, très majoritairement déjà transférée aux EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale).

C’est donc au Maire qu’il revient de juger s’il doit surseoir ou non à une demande d’urbanisme, sur la base d’un projet d’arrêté préparé par un service instructeur dépendant de l’EPCI !

Or, précisément, les techniciens du service instructeur, proches de ceux des services élaborant le futur document d’urbanisme, peuvent être tentés de lui soumettre une décision plus politique que juridique…

Quel risque prend-il donc à ne pas surseoir à statuer  lorsque l’EPCI le lui suggère !

Certes, le risque n’est pas nul de se voir censurer, … mais il est maîtrisable !

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 26 décembre 2012, n°347458, a ainsi pu juger que le Maire de Montrouge, avait commis l’erreur de ne pas surseoir, alors même que le sursis apparaît à l’article L153-11, comme une simple faculté, et jamais une obligation.

Il faut aussitôt nuancer le propos, en précisant qu’en l’espèce, il fût nécessaire de démontrer « l’erreur manifeste d’appréciation » du Maire, par un contrôle « approfondi » de la situation. Il s’avérait, en effet, que le permis de construire octroyé prévoyait la construction d’un immeuble collectif de 13 logements et un local d’activité en plein secteur pavillonnaire, son emprise au sol atteignant 450 m² alors que le futur document d’urbanisme tendait à réaffirmer le caractère pavillonnaire de la zone en limitant l’emprise au sol des bâtiments à 100m² !

En dehors de ces cas extrêmes, un Maire doit savoir qu’il risque davantage la censure du Juge lorsqu’il sursoit à une demande alors qu’il ne le devrait pas !

En effet, l’illégalité de l’absence de sursis à statuer est plus difficile à motiver pour un Juge, comme on vient de le voir (contrôle approfondi), que l’illégalité d’un sursis abusif !

Seront, par exemple, jugés abusifs les sursis à statuer opposés à des demandes de division en un à deux lots, ou de permis de construire pour une à deux constructions, sur une future zone agricole ou naturelle de plusieurs hectares de superficie !

Ainsi, lorsque l’atteinte portée par le projet au futur document d’urbanisme est manifestement minime, il sera plus sage pour un Maire de ne pas surseoir à une demande.

En agissant ainsi, le seul risque qu’il prend, est de voir sa décision censurée par le contrôle de légalité, qui n’aurait pas la même lecture de l’atteinte au projet de plan local d’urbanisme. Le Préfet demanderait alors au Maire de rapporter son arrêté.

Dans tous les cas, nous préconisons d’attendre que la décision devienne « définitive », à savoir que les délais de purge des recours, de retrait, ou de déféré préfectoral soient écoulés.

Le 22/02/2018, par Thierry Bléard, Géomètre-Expert.

Thierry BLEARD

Thierry BLEARD Géomètre-Expert à Boulogne sur Mer Expert près la Cour d'Appel de DOUAI thierry.bleard@bleard-lecocq.fr