Votre voisin néglige votre demande de bornage amiable – faut-il aller directement au bornage judiciaire ?

Dans cette affaire, la cliente faisait valoir que son voisin avait engagé des travaux qui semblaient empiéter sur sa propriété. Devant la condescendance de celui-ci, elle avait saisi son Avocat qui l’orientait sur du bornage judiciaire.

Voici la réponse que je lui avais faite :

« Madame,

Votre démarche me semble être de bonne foi, et voici comment j’analyse cette question, indépendamment de mes deux « casquettes » (Géomètre-Expert et Expert de Justice).

Le coût du bornage judiciaire est généralement provisionné par le Juge à 2000 €, certes !

Pour autant, par expérience, je constate que les opérations se soldent souvent avec des montants d’honoraires situés entre 3000 et 4000 € HT !

Le bornage est généralement partagé entre les deux parties, par application pure et simple de l’article 646 du code civil.

Malheureusement, ce coût ne comprend pas les émoluments des Avocats des parties, et rien ne permet d’imaginer que le Juge condamnerait la partie défenderesse à régler les frais de Justice à la partie la plus diligente, en motivant sa décision par la négligence coupable de la partie adverse.

Pour l’instant, je ne crois pas que les Juges d’Instance reprochent au requérants de n’avoir pas cherché à passer préalablement par la voie amiable.

Pour autant, il me semble déterminant, en prévision d’un recours au bornage judiciaire, de solliciter auprès d’eux un bornage à frais partagés, de façon à préparer le dossier judiciaire, en démontrant leur probable mauvaise foi.

Je m’explique :

Le prix d’un bornage varie en fonction de divers paramètres (relations de voisinage, disponibilité des parties sur place, nombre de signatures à recueillir, bonne foi et participation active des parties, …)

Imaginons que votre bornage amiable soit devisé à 2000 € HT, compte-tenu du fait que, les relations étant difficiles, la procédure que constitue le bornage pourrait être assimilée à un acte de disposition, alors qu’il a encore été jugé tout récemment que celui-ci relève normalement de l’acte d’administration (Arrêt du 12 Avril 2018  – Cassation 3ème Ch civ – n°16-24.556 publié au recueil Lebon).

Il est évident que si les voisins acceptent de « coopérer » aux opérations de bornage, le prix pourra être revu à la baisse, même dans le cas de l’acte de disposition (risque d’écart entre la proposition de limite du voisin, et celle soumise par le Géomètre-Expert) !

Dès lors, si l’on propose trois solutions au voisin, et qu’il les refuse toutes, le remboursement des frais d’Avocat et d’expertise, en cas de bornage judiciaire devrait pouvoir être obtenu auprès du Juge, me semble-t-il !

Voici quelles pourraient être ces trois solutions :

  1. L’article 646 du code civil prévoit le bornage à frais partagés, soit 1000 € HT par partie. Votre voisin aurait tout loisir de dire qu’il n’a pas budgété cette somme pour l’instant, et qu’il refuse parce qu’il considère que le fait de ne pas connaître ses limites de propriété ne constitue en rien une difficulté pour lui. Cette position est déjà difficile à entendre pour un Juge d’Instance, saisi à postériori, puisque, dans votre cas, c’est bien votre voisin qui a engagé des travaux ! C’est donc bien lui qui provoque la nécessité du bornage !
  2. A défaut d’accepter cette solution, il pourrait, à minima, contribuer à limiter le coût du bornage, en concédant une participation active à la démarche, et en acceptant d’en payer une partie, même symbolique.
  3. S’il n’accepte pas cette deuxième solution, il existerait une dernière solution avant d’ester en instance devant le Juge Judiciaire, qui consisterait à lui demander s’il est prêt à participer de bonne foi au bornage (aide au recueil des signatures sur un mandat de bornage, aide à la fixation d’une date de convocation, …etc), sans y participer financièrement.

Il est évident que dans le cas d’un refus, y compris de la dernière solution, vous vous trouvez alors dans une situation idéale pour demander au Juge que le bornage ne vous coûte rien de plus que – et au grand maximum – le montant du devis de bornage amiable dans le cas où vous l’auriez pris entièrement à votre charge (soit 2000 €) !

Mais mieux encore, si le PV de carence rédigé établit une limite, comme probablement celle qui devrait résulter d’une expertise judiciaire, et que le Jugement de bornage judiciaire, finalement prononcé, vient confirmer cette limite, l’on peut imaginer que le Juge sera tenté de condamner la partie récalcitrante aux dépends de la procédure, dans son intégralité !

Je vous propose de faire suivre cette analyse à votre Avocat pour recueillir son avis »

Le conseil de l’avocat fût alors de suivre notre proposition, de manière à se trouver, en cas de démarche judiciaire, dans une bien meilleure position pour limiter les frais engendrés par l’indélicatesse du voisin.

Rédigé le 29 mai 2018 par 

Bornage et matérialisation de limites

borne oge

La définition d’une opération de bornage n’imposant aucune forme particulière quant à la nature des bornes, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 4 juillet 2012, a confirmé qu’une tâche de peinture pouvait suffire à matérialiser un point de limite, dès lors que cette méthode met les propriétaires en mesure d’identifier aisément et durablement les limites de leurs parcelles. En outre, elle rappelle que si plusieurs voisins étaient appelés au bornage, seul celui qui n’a pas signé le plan de bornage peut agir en bornage judiciaire, l’absence de signature de celui-ci n’entachant pas de nullité le bornage à l’égard des voisins l’ayant approuvé.

Un bornage au juste prix pour une acquisition à un prix juste

bornageQu’est-ce qu’un bornage ?

Le bornage est l’opération qui a pour objet de fixer définitivement la limite séparative de deux propriétés contiguës. Les angles et les limites sont généralement matérialisés par des repères appelés «bornes».

Le bornage est régi par le seul article 646 du Code Civil : « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leur propriété contigüe. Le bornage se fait à frais commun« . Loi du 7 mai 1946 modifiée, instituant l’Ordre des Géomètres-Experts, confère à ceux-ci la responsabilité exclusive de « réaliser les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers ». La loi n’a soumis le bornage à aucune forme particulière, mais l’Ordre des Géomètres-Experts a édité une méthodologie et des règles de l’art. La procédure doit toujours commencer par la recherche et la convocation des voisins. Elle se termine après la pose des bornes ou le repérage des limites par la signature d’un plan et (ou) d’un procès-verbal de bornage par l’ensemble des propriétaires concernés. Lire la suite