Le PLUi de la CAB – Les conséquences du jugement d’annulation partielle du 21 janvier 2019

Afin de répondre aux questions de nos clients propriétaires, et anticiper celles qui pourraient se faire jour, nous avons jugé opportun d’écrire cet article destiné à expliquer les conséquences de la décision du Tribunal Administratif de Lille du 21 janvier 2019 au sujet du PLUi de la Communauté d’Agglomération du Boulonnais (CAB).

Cette décision, que nous avons pu consulter, fait suite à une requête en annulation de la délibération du 6 avril 2017 par laquelle la CAB avait approuvé son plan local d’urbanisme intercommunal de la part du GDEAM (Groupement pour la défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-mer et du Pas-de-Calais).

Le Tribunal Administratif ne retient de cette demande que l’annulation de la délibération approuvant le PLUi de la CAB, uniquement « en tant qu’elle classe » certains espaces des communes de Saint-Etienne-au-Mont, Neufchatel-Hardelot, Wimereux, Wimille et Dannes, dans des zonages urbains (UCb-II, UEt, UGa, UGb, UCd-I, UEb, UFc) qu’il juge donc illégaux.

La CAB n’a pas souhaité faire appel de ce jugement qui est donc devenu définitif en mars dernier.

Il apparaît donc probable que les documents du PLUi soient prochainement mis en concordance avec ce jugement.

L’on peut donc se demander ce qu’il advient provisoirement des règles opposables dans ces secteurs (14 au total) pour les propriétaires concernés, sachant qu’ils n’ont pas été joints à la cause.

Outre le fait qu’ils disposent de la faculté de recourir, par la procédure dite de « tierce opposition », sur la base de l‘article R832-1 du Code de Justice Administrative, contre cette décision, la question se pose, en effet, de savoir quelle règle est devenue applicable dans ces zones depuis le 21 janvier 2019, dans l’attente de la mise à jour du PLUi.

Il n’y a pas de doute sur l’impossibilité de continuer à appliquer la règle du PLUi puisqu’on la sait désormais illégale (principe de l’arrêt Ponard de novembre 1958).

L’on peut affirmer que, pour ce qui concerne l’instruction des autorisations d’urbanisme, il convient de s’en remettre provisoirement aux règles du document antérieur, ainsi que le prévoit l’article L600-12 du code de l’urbanisme, dans l’attente de la mise à jour effective du PLUi, dans le sens du jugement prononcé.

L’on peut aussi anticiper sur un retour à court terme  des secteurs concernés en zone A (agricole) ou N (naturelle).

 

Mon permis de construire fait l’objet d’un recours – que faire ?

Qu’il s’agisse d’un permis de construire ou d’une autre autorisation d’urbanisme (DP travaux, DP division, PA), les AOS (Autorisation d’Occupation du Sol) sont parfois difficiles à obtenir. C’est pourquoi, il peut être fort désagréable, lorsque la période des deux mois d’affichage obligatoire arrive à son terme, de recevoir, le dernier jour, un recommandé notifiant le recours d’un voisin à l’encontre de la décision favorable !

Afin de pallier au risque de découragement qui pourrait vous faire abandonner précipitamment un projet qui vous tenait particulièrement à coeur, nous vous livrons ici quelques pistes pour vous accompagner dans ces nouvelles péripéties et, peut-être, vous redonner espoir :

Tout d’abord, nous vous conseillons de vous rapprocher d’un juriste afin de procéder à un audit de recevabilité du recours pour évaluer les risques d’annulation de votre autorisation d’urbanisme.

En effet, il se peut que le recours se trouve être irrecevable, notamment pour des questions de forme (oubli de notification, défaut d’intérêt à agir, forclusion des délais de recours) auquel cas un Avocat pourra vous obtenir facilement une ordonnance d’irrecevabilité manifeste auprès du Tribunal Administratif. Ceci aura pour effet d’effacer purement et simplement tous les effets du recours.

Si cette première vérification s’avère infructueuse dans votre cas, il est possible que votre autorisation soit régularisable par un simple modificatif. C’est le cas lorsque la règle d’urbanisme permet de rectifier simplement la (ou les) illégalité(s) constatée(s) dans votre permis par le requérant.  Il s’agira alors de procéder à cette demande modificative et de penser à purger le nouvel arrêté du nouveau risque de recours des tiers – à noter que les recours ne pourront plus porter que sur les éléments modifiés du permis, ce qui a pour effet de réduire substantiellement le champ d’action des éventuels nouveaux requérants.

Ne reste généralement que le cas où le recours n’est pas irrecevable dans la forme, mais potentiellement dans le fond, avec une impossibilité matérielle de faire disparaître totalement le risque d’annulation (difficulté d’interprétation de la règle d’urbanisme et impossibilité de régulariser la demande par un permis modificatif).

Dans ce dernier cas, l’avis de votre Avocat sera déterminant. S’il estime que le recours n’est pas fondé, il sera votre meilleur allié pour faire aboutir votre projet.

Il devra éclairer votre choix d’engager ou non les travaux, et disposera alors de différents moyens d’action pour sécuriser, voire solutionner, votre situation :

  • le mémoire en défense, assorti d’une demande d’ordonnance de cristallisation de moyens permettra de répondre point par point aux illégalités soulevées, mais aussi d’empêcher que de nouveaux moyens soient soulevés au fil de l’instruction devant le Tribunal Administratif,
  • le cas échéant, le dépôt d’une procédure au civil pour recours abusif pourra permettre d’engager une transaction avec le (ou les) requérant(s). A l’issue des discussions, la signature d’un protocole d’accord transactionnel sera susceptible de déboucher sur un désistement du recours. Cet accord devra alors être enregistré conformément à l’article 635 du code des impôts.

Le PLUI de la CCT2C – Les conséquences de son illégalité

Le PLUI de la CCT2C – Les conséquences de son illégalité suite à la décision du Tribunal Administratif de Lille à l’encontre d’un permis de construire

Afin de répondre aux questions de nos clients propriétaires, et anticiper celles qui pourraient se faire jour dans les semaines à venir, nous avons jugé opportun d’écrire cet article destiné à expliquer les conséquences de la décision du Tribunal Administratif de Lille du 19 décembre 2017 au sujet du PLUI de la Communauté de Communes de la Terre des 2 Caps.

Il faut tout d’abord savoir que la décision en question, que nous avons pu consulter dans son intégralité, a été prise à l’encontre d’un permis de construire en vue de son annulation pour différents motifs, dont celui de l’illégalité du PLUI.

Le Tribunal a estimé, en effet, qu’en ayant subi des modifications, en l’occurrence de règles de hauteur, entre la date de sa soumission à l’enquête publique et celle de son approbation, alors que ces modifications ne procédaient pas de l’enquête – indépendamment de la question de savoir si l’économie générale du projet était remise en cause – le PLUI se trouvait « entaché d’illégalité dans son ensemble ».

Il s’agit de l’application  de l’article L153-21 du code de l’urbanisme.

C’est donc cette « simple » considération du Jugement rendu qui jette le trouble sur l’opposabilité du document d’urbanisme couvrant les 21 communes de la Terre des 2 Caps.

En effet, le Tribunal aurait pu tout aussi bien considérer illégale la modification des règles de hauteur, pour annuler le permis de construire, sans remettre en cause la légalité du PLUI dans son ensemble, d’autant que d’autres motifs d’annulation se révélaient suffisants dans le Jugement pour y procéder !

En jugeant ainsi, il statue au-delà même de la question qui lui était posée sur la stricte légalité du permis de construire qui avait été accordé, selon le mécanisme de « l’exception d’illégalité », prévue à l’article L600-1 du code de l’urbanisme, qui vise : « la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique », ..avec des conséquences graves, qu’il convient de bien évaluer !

Il est un principe, en droit administratif, datant d’un arrêt très ancien, repris et étendu depuis dans la jurisprudence Alitalia: dans CE. 14 novembre 1958, Sieur Ponard, Rec., p.554, dans lequel le Conseil d’Etat a érigé en principe général, le fait que l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale.

Dès lors, l’on peut affirmer facilement qu’il n’est nul besoin d’une correction du document d’urbanisme, pour que les règles de hauteurs dépassant celles issues de l’enquête publique n’aient plus à s’appliquer…

… mais qu’en est-il pour le PLUI « dans son ensemble » ?

Hélas, le principe de l’arrêt Ponard s’applique pleinement.

Il est d’ailleurs consacré à l’article L600-12 du code de l’urbanisme, qui, en outre, nous indique quelle règle appliquer suite à une déclaration d’illégalité :

« L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur. »

L’on comprend alors que la décision du Tribunal Administratif de Lille du 19 décembre 2017 n’est pas neutre sur l’application du droit des sols pour les 21 communes de la Terre des 2 Caps.

Elle génère, en particulier, une incertitude sur les autorisations accordées depuis, si elles l’ont été, et c’est probable, sur la base des règles du PLUI.

Nous recommandons, pour les titulaires d’autorisations d’occuper le sol, d’attendre le délai de purge des recours des tiers (2 mois), le délai de retrait (3 mois), mais aussi et surtout le délai de déféré préfectoral qui est de 2 mois à compter de la transmission de l’acte par l’autorité compétente au Préfet. Encore faudra-t-il s’assurer, pour ce dernier point, que la transmission se soit bien faite dans les 15 jours de la signature de l’acte comme le prévoit l’article L2131-1 du code général des collectivités territoriales, sous peine que le délai de déféré ne démarre que très tardivement,… parfois jamais !

Pour ceux qui travaillent actuellement sur des demandes d’autorisation d’occuper le sol (déclaration préalable, permis de construire, permis d’aménager, ..), nous conseillons de travailler sur la base du PLUI, puis repasser le projet au crible des règles du document antérieur.

En effet, la plupart du temps, la règle du PLUI sera plus contraignante.

Cela aura aussi l’avantage de sécuriser les autorisations d’urbanisme délivrées, dans le cas où la CCT2C viendrait à rectifier son document dans l’intervalle des instructions en cours.

Des cas plus difficiles pourront néanmoins se présenter lorsque la règle sera simplement différente entre les deux documents (règle de distance par rapport aux limites séparatives, ou à l’alignement, par exemple)

A noter, par ailleurs, que l’usage des certificats d’urbanisme, qui ont précisément pour objectif de geler les droits à construire pour une durée de 18 mois, se trouve fortement perturbé avant et pendant la période de déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme !

Ainsi, deux cas de figure peuvent se poser, à priori, pour les certificats d’urbanisme :

  • Un certificat d’urbanisme en cours de validité a été obtenu avant la déclaration d’illégalité du PLUI : le certificat, basé sur le PLUI, se trouve alors privé de base légale et perd donc ses effets. Il cristallise donc … la règle du document antérieur, en vertu du principe de l’arrêt Ponard, selon lequel l’administration a l’obligation de ne pas appliquer une norme réglementaire qu’elle sait illégale,
  • Un certificat d’urbanisme est déposé après la déclaration d’illégalité du PLUI :
    • Soit le certificat délivré tient compte du jugement d’illégalité du PLUI et cristallise la règle antérieure dans la forme et dans les faits,
    • Soit le certificat délivré se base sur le PLUI, et à nouveau, se trouvant privé de base légale, il cristallisera la règle antérieure, dans les faits !

On observe ainsi que, dans tous les cas, le certificat d’urbanisme en cours de validité n’aura jamais le pouvoir de faire « survivre ponctuellement » le PLUI, tant que celui-ci est réputé ne plus être en vigueur.

L’administré qui serait néanmoins invité formellement, par le biais d’un certificat d’urbanisme, à appliquer la règle du PLUI, et constatant par la suite que ce n’est pas le cas dans les faits (recours, retrait ou déféré), n’aurait comme seule consolation possible, qu’un recours indemnitaire pour avoir été mal informé.

Nous reviendrons vers vous dans un deuxième temps pour évoquer les évolutions prévisibles de la règle d’urbanisme applicable dans les communes de la CCT2C, selon la suite que la collectivité entendra donner à la situation que nous avons cherché à décrire.