Autre article sur l’Artificialisation des sols :
Après avoir fortement crû de 2000 à 2008, la consommation de terres agricoles recule compte tenu des difficultés du secteur de la construction. Mais les données disponibles doivent être améliorées si la France veut mieux évaluer le phénomène.
« En France métropolitaine, la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers a connu deux grandes tendances sur la période 2000-2012. La première, d’ordre général, est une diminution globale des espaces naturels, agricoles et forestiers estimable dans une fourchette allant de 40.000 à 90.000 hectares par an en moyenne. La seconde concerne le rythme de la consommation des espaces qui, après avoir connu une forte hausse sur la période 2000-2008, ralentit clairement depuis 2008 ».Telle est la principale conclusion du Panorama de la quantification de l’évolution nationale des surfaces agricoles publié le 15 mai par l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles (Oncea). En l’absence d’une base de données nationale conçue spécifiquement pour mesurer la consommation des sols, les travaux de l’Oncea, créé en 2013, se sont appuyés sur l’étude de cinq bases de données. Mais cette première estimation manque de précision. L’Observatoire se fixe donc un cap : « mieux identifier les outils pertinents de mesure de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et mutualiser les approches autour d’un même outil ».
La crise stoppe l’artificialisation des terres
« La multiplicité des études et des approches rendant difficile une lisibilité précise du phénomène de consommation des espaces », explique l’Oncea qui, à ce stade, ne peut donc donner que des tendances générales : la consommation de terres agricoles, d’espaces naturels et de forêt a été de l’ordre de 40.000 à 90.000 hectares par an entre 2000 et 2012. Par ailleurs, le rapport souligne que« les surfaces forestières et naturelles ont tendance à rester stables, voire à légèrement augmenter », ce qui indique en creux que l’artificialisation des sols touche principalement les terres agricoles.
La seconde tendance de fond est le ralentissement marqué du phénomène depuis 2008, après avoir connu « une forte hausse » entre 2000 et 2008. « Cette baisse du rythme s’explique probablement principalement par l’arrivée de la crise qui a fortement touché les secteurs de la construction, et l’activité économique dans son ensemble », explique l’observatoire, ajoutant que « si la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers se poursuit, c’est pour l’instant, à un rythme plus lent qu’au début des années 2000 ».
Des approches trop différentes
Ces résultats sommaires s’expliquent par la multiplicité des sources et des méthodes utilisées pour compiler les données. « Les sources de données administratives ont l’avantage d’être exhaustives sur le territoire », explique le rapport, soulignant cependant qu’elles « ne sont pas conçues spécifiquement pour évaluer la consommation d’espaces ». En conséquence, les définitions des espaces varient d’une source à l’autre en fonction de l’objectif poursuivi. Un autre problème rencontré est la fréquence de parution des données qui varie sensiblement selon les sources. Malgré tout, l’Oncea pointe trois « méthodes significatives complémentaires » pour suivre l’artificialisation des sols.
L’enquête Teruti-Lucas du ministère de l’Agriculture se démarque car elle a l’avantage de fournir des données environnementales comparables avec celles des autres pays européens. Elle fait ressortir une perte de 415.000 hectares de sols cultivés ou en herbe entre 2006 et 2012. La perte annuelle moyenne s’est établie à 113.900 hectares entre 2006 et 2008 avant de se réduire à 41.500 hectares entre 2010 et 2012. L’enquête pointe aussi une progression de 422.000 hectares des sols artificialisés (bâtis, infrastructures et jardins) entre 2008 et 2012, avec, là aussi, un rythme en baisse entre 2010 et 2012 (49.000 hectares artificialisés par an, contre 85.800 hectares entre 2006 et 2008).
Une deuxième méthode est le suivi de l’usage dominant des parcelles cadastrées. Cependant, cette façon de procéder s’intéresse aux vocations dominantes sans prendre en compte les occupations réelles à « l’instant t ». La base de données de la Fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (FNSAFER) est la première source s’agissant des changements de vocation lors de certaines transactions foncières. Elle fait apparaître que les surfaces susceptibles d’être urbanisées ont augmenté de 76.803 à 99.095 hectares par an, entre 2000 et 2007, avant de diminuer de 68.819 hectares par an de 2008 à 2012. « Ces chiffres donnent une estimation de l’étalement urbain potentiel mais pas de la consommation réelle des espaces naturels, agricoles et forestiers », nuance le document. La seconde source est constituée des fichiers de mise à jour des informations cadastrales (Majic). « La consommation annuelle moyenne des espaces agricoles déclarés aux impôts a augmenté de 39.755 à 44.135 hectares par an de 2000 à 2007, puis diminué pour atteindre 35.144 hectares par an en 2010 », rapporte l’Observatoire, ajoutant que sur la période 2000-2011, la part des surfaces déclarées comme naturelles et forestières est restée globalement stable (de 33,8% à 33,9% du territoire métropolitain français), tandis que les surfaces artificialisées ont sensiblement progressé (de 5,6% à 6,2%).
Enfin, une troisième méthode consiste à utiliser la Statistique agricole annuelle du ministère qui présente l’évolution des surfaces réellement exploitées par les agriculteurs. Si ce recensement ne tient pas compte des parcelles agricoles des non-agriculteurs, elle inclut certaines infrastructures agro-écologiques qui ne sont pas des sols cultivés ou en herbe (haies, bosquets, chemin d’exploitation…). Il ressort de ce suivi « un fort ralentissement du rythme de diminution des sols cultivés ou toujours en herbe des exploitations agricoles ». De 2007 à 2010, quelque 100.000 hectares par an disparaissaient, contre 20.000 hectares par an en 2011 et 2012.