Annulation partielle du PLUI de la CAB – Qu’apporte la Loi ELAN ?

Il faut considérer, tout d’abord, que le jugement qui a annulé partiellement le PLUI de la Communauté d’Agglomération du Boulonnais en janvier 2019 a statué sur la légalité du document à la date de son approbation (le 6 avril 2017), au regard de la loi Littoral.

Ainsi, depuis la publication de ce jugement, le contenu illégal doit être considéré comme illégal depuis l’approbation du document, sans même qu’un quelconque certificat d’urbanisme mentionnant les règles de son contenu n’ait le pouvoir de les faire survivre, selon le principe que ne peuvent être cristallisées que des règles légales.

Or, la loi ELAN du 23 novembre 2018 est venue, depuis, assouplir certains aspects de la loi Littoral.

Les possibilités de construction, dans les secteurs dont les zonages ont été remis en cause par le jugement du tribunal administratif de Lille, peuvent donc être aujourd’hui analysées au regard du nouveau texte.

Parmi les assouplissements dont la loi ELAN pourrait faire profiter les secteurs urbains jugés non conformes avec la Loi Littoral, il y a la possibilité de construire « au sein des secteurs déjà urbanisés »

Ainsi, selon l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, au deuxième paragraphe  :

« Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs. »

Ainsi, pour les projets situés à l’intérieur de secteurs déjà urbanisés , il sera possible de faire usage des dispositions du III de l’article 42 de la loi ELAN selon lesquelles :

« III.-Jusqu’au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d’urbanisme en l’absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi.».

Dans l’hypothèse d’un projet de construction sur un terrain situé à l’intérieur de l’enveloppe bâtie (attention, il convient de tracer un périmètre autour du bâti existant et non autour des parcelles comprenant du bâti existant !) et si le PLU et le SCOT n’ont pas été mis en révision postérieurement à la loi ELAN, l’on pourra obtenir des autorisations d’urbanisme conformément à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, cité plus haut, et le jugement d’annulation partielle ne devrait pas y faire échec.

Nous avons établi pour les secteurs principaux, les périmètres qui, selon nous, laissent encore la possibilité d’envisager des constructions, … mais plus pour très longtemps !…

 

Transférer du CES pour augmenter l’emprise au sol d’un terrain à bâtir – est-ce possible ?

Depuis que la Loi ALUR du 24 mars 2014 a mis fin aux COS et aux superficies minimales dans les PLU et PLU intercommunaux, la densité urbaine est gérée exclusivement par le coefficient d’emprise au sol et les hauteurs de construction, généralement fixés respectivement aux articles 9 et 10 des règlements d’urbanisme.

L’emprise au sol est définie à l’article R420-1 du code de l’urbanisme :

« L’emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus.
Toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu’ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements. »
Ainsi le coefficient d’emprise au sol constitue le rapport entre la somme des emprises au sol couvertes par les constructions et bâtiments d’un terrain, et la superficie du terrain pris pour référence.

En urbanisme, la notion de « transfert » de densité, propre à la gestion du COS, parfois mentionné à l’article 14 des anciens POS, mais encadré par l’article L123-4 et dont l’objectif était de basculer du COS d’une zone émettrice vers une zone réceptrice, n’existe plus depuis le 23 septembre 2015.

Pour rappel, cette disposition s’accompagnait d’une servitude administrative à constater dans un acte authentique, qui grevait alors le terrain « émetteur » de densité :

« […] En cas de transfert, la totalité du terrain dont les possibilités de construction sont transférées est frappée de plein droit d’une servitude administrative d’interdiction de construire constatée par un acte authentique publié au fichier immobilier. Cette servitude ne peut être levée que par décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat. »

Le législateur n’a pas prévu de dispositif similaire pour envisager le « transfert » d’emprise au sol.

Pour autant, de la même façon que se posait la question de la répartition de SHON (devenue surface de plancher) à l’intérieur d’un périmètre loti en vertu d’un COS (coefficient d’occupation du sol) applicable à une zone donnée, l’on peut se poser la question de la répartition de l’emprise au sol à l’intérieur d’une opération de lotissement.

En particulier, si le règlement du plan local d’urbanisme ne s’oppose pas explicitement à l’application du R151-21 (mieux connu sous l’ancien numéro  R123-10-1), qui dispose :

« […]

Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose. »

alors, l’on pourra parfaitement imaginer une répartition de l’emprise au sol au travers des différents lots, bien que le législateur n’ait pas pris la peine de le prévoir explicitement dans les pièces de la déclaration préalable de division, ou dans celles du permis d’aménager.

Dès lors, le lotisseur devra garantir à l’administration une emprise au sol maximale affectée aux lots issus de son opération de lotissement pour en assurer la conformité, mais il pourra limiter contractuellement celle d’un lot au bénéfice d’un autre.

A noter qu’en l’espèce, les limitations au droit de construire n’auront pas eu à faire l’objet d’une servitude administrative constatée par acte authentique, puisque non encadrées par le législateur.

Publié le 4 mai 2018 par

Quel risque pour un Maire à ne pas surseoir à statuer à une demande d’occuper le sol, lorsque la règle doit évoluer défavorablement..

Les deux conditions pour permettre à une autorité compétente en matière d’autorisation d’occuper le sol de surseoir à statuer sont prévues à l’article L153-11 du code de l’urbanisme.

Il « suffit » que la demande soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan et que le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable ait eu lieu.

Les deux conditions sont cumulatives, de sorte que si une seule d’entre elles n’est pas vérifiée, le sursis à statuer est entaché d’illégalité.

S’il est, à présent, facile de savoir si la deuxième condition est remplie (cette condition d’avancement suffisant du futur document d’urbanisme, d’abord fixée par la Jurisprudence, a été explicitée dans la nouvelle rédaction du L153-11 depuis janvier 2017), il est bien plus délicat, en revanche, de déterminer si une demande d’occuper le sol porte atteinte ou pas au futur plan local d’urbanisme.

Il aurait été facile de considérer qu’il suffise de démontrer que le projet présenté est non conforme aux règles du futur document d’urbanisme pour que celui-ci soit « de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l’exécution du futur plan », mais il n’en est rien !

En effet, la Jurisprudence a pu sanctionner à maintes reprises des sursis à statuer opposés à des projets de faible ampleur, bien que ceux-ci se révélaient effectivement non conformes à la future règle d’urbanisme. L’on citera les trois Jurisprudences les plus connues en la matière : CE n°208398 du 25 avril 2013, CE n°381248 du 7 juillet 2015 et CAA de Lyon n° 15LY00981 du 2 août 2016.

Lorsqu’il s’agit de délivrance d’autorisation d’occuper le sol, c’est encore le Maire, aujourd’hui, qui est compétent, même si la compétence en matière de planification urbaine est, à présent, très majoritairement déjà transférée aux EPCI (Etablissements Publics de Coopération Intercommunale).

C’est donc au Maire qu’il revient de juger s’il doit surseoir ou non à une demande d’urbanisme, sur la base d’un projet d’arrêté préparé par un service instructeur dépendant de l’EPCI !

Or, précisément, les techniciens du service instructeur, proches de ceux des services élaborant le futur document d’urbanisme, peuvent être tentés de lui soumettre une décision plus politique que juridique…

Quel risque prend-il donc à ne pas surseoir à statuer  lorsque l’EPCI le lui suggère !

Certes, le risque n’est pas nul de se voir censurer, … mais il est maîtrisable !

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 26 décembre 2012, n°347458, a ainsi pu juger que le Maire de Montrouge, avait commis l’erreur de ne pas surseoir, alors même que le sursis apparaît à l’article L153-11, comme une simple faculté, et jamais une obligation.

Il faut aussitôt nuancer le propos, en précisant qu’en l’espèce, il fût nécessaire de démontrer « l’erreur manifeste d’appréciation » du Maire, par un contrôle « approfondi » de la situation. Il s’avérait, en effet, que le permis de construire octroyé prévoyait la construction d’un immeuble collectif de 13 logements et un local d’activité en plein secteur pavillonnaire, son emprise au sol atteignant 450 m² alors que le futur document d’urbanisme tendait à réaffirmer le caractère pavillonnaire de la zone en limitant l’emprise au sol des bâtiments à 100m² !

En dehors de ces cas extrêmes, un Maire doit savoir qu’il risque davantage la censure du Juge lorsqu’il sursoit à une demande alors qu’il ne le devrait pas !

En effet, l’illégalité de l’absence de sursis à statuer est plus difficile à motiver pour un Juge, comme on vient de le voir (contrôle approfondi), que l’illégalité d’un sursis abusif !

Seront, par exemple, jugés abusifs les sursis à statuer opposés à des demandes de division en un à deux lots, ou de permis de construire pour une à deux constructions, sur une future zone agricole ou naturelle de plusieurs hectares de superficie !

Ainsi, lorsque l’atteinte portée par le projet au futur document d’urbanisme est manifestement minime, il sera plus sage pour un Maire de ne pas surseoir à une demande.

En agissant ainsi, le seul risque qu’il prend, est de voir sa décision censurée par le contrôle de légalité, qui n’aurait pas la même lecture de l’atteinte au projet de plan local d’urbanisme. Le Préfet demanderait alors au Maire de rapporter son arrêté.

Dans tous les cas, nous préconisons d’attendre que la décision devienne « définitive », à savoir que les délais de purge des recours, de retrait, ou de déféré préfectoral soient écoulés.

Le 22/02/2018, par Thierry Bléard, Géomètre-Expert.