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L’Entreprise libérée – Film donnant la parole à I. GETZ

Entreprise libérée

Reportage préliminaire au documentaire de 52 minutes sur le thème de l’entreprise libérée.

Ce film donne la parole à Isaac GETZ, Professeur à l’ESCP qui publie chez Fayard l’ouvrage « Liberté & Cie », ainsi qu’à deux dirigeants qui ont adopté un mode de management qui laisse une large liberté aux salariés, M. Jean François ZOBRIST pour la société FAVI et M. Michel MUNZENHUTER pour la société SEW USOCOME.

Qu’est-ce que l’entreprise libérée ?

La notion d’entreprise libérée a été développée dès 1988 par Tom Peters et complétée dans son ouvrage paru en 1993 « L’entreprise libérée : libération, management » (Ed. Dunod). Ce livre peut être lu comme une suite des ouvrages du même auteur que sont « Le prix de l’excellence » (1983) (Ed. Interéditions) et « Le chaos management » (1988) (Ed. Interéditions). Cette notion est, depuis quelques années, sous le feu des projecteurs via des conférenciers tels qu’Isaac Getz  ou Jean François Zobrist.

Popularisé par Isaac Getz en 2009, le terme « entreprise libérée » suscite la curiosité des entrepreneurs. Faut-il croire en ce concept ?

L’engouement pour l’entreprise libérée continue de croître notamment depuis la diffusion du film Le Bonheur au Travail sur Arte en février et du reportage sur ChronoFlex au 20 heures de TF1 .

Qu’est-ce qu’une entreprise libérée ?

L’organisation classique est noyée dans la bureaucratie avec les formulaires, les processus informatisés, les règlements, les procédures, le contrôle, l’audit, les comités, le reporting. On parle d’entreprise «  comment » parce qu’on dit aux employés comment ils doivent travailler. Conséquences : les employés sont moins motivés, l’entreprise classique est moins performante et a du mal à innover. (Lire aussi :  Le business model des entreprises libérées )

La promesse de l’entreprise libérée ? Rendre l’entreprise plus performante avec des employés libérés de la hiérarchie et du contrôle. L’objectif est clair. Les employés s’organisent librement. Et ils sont responsables. On parle d’entreprise «  pourquoi » parce que ce qui compte c’est l’objectif, pas la façon d’y arriver. Les employés s’organisent par eux-mêmes. Pas de procédure détaillée à suivre. Pas d’autorisation hiérarchique à demander. Pas de contrôleur externe à l’équipe.

L’entreprise libérée fait l’économie des coûts de structure que sont les services support du siège, la pyramide hiérarchique, les services de contrôle. Elle part du principe que les employés libérés et passionnés par l’atteinte d’un objectif ne frauderont jamais à hauteur des coûts faramineux atteints par la structure. Cela donne une entreprise plus performante et des salariés plus engagés.

Depuis quand existent-elles ?

Le terme d’« entreprise libérée » a été popularisé par Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe, à partir de 2009. Mais Getz n’a fait que décrire ce qui existait, ce qu’il a observé notamment chez Gore (inventeur du Gore-Tex), chez FAVI en Picardie (équipementier automobile), chez Poult à Montauban (biscuiterie).

Il existe de nombreux exemples non cités par Getz, en France, et à travers le monde. On en retrouve au Brésil dès les années 1980 où Ricardo Semler a repris l’entreprise familiale et transformé son organisation. En Angleterre, dans les années 1990, où Happy Computer est fondé par Henry Stewart. Aux États-Unis, chez Nordstrom (supermarché de luxe fondé en 1910) ou encore chez Zappos (vendeur de chaussures en ligne racheté par Amazon). En France, on trouve entre autres la SSII Grenobloise Sogilis fondée par Christophe Baillon.

En France encore, plusieurs grands groupes s’intéressent à la libération : on peut citer des entreprises du Groupe Mulliez (notamment Kiabi) et Michelin pour les fonctions support au siège du groupe (les centres opérationnels n’étant pas encore concernés).

Ce modèle est-il applicable en France ?

La France est un pays de planification : on aime concevoir avant d’agir. Il y a même ceux qui conçoivent d’un côté et ceux qui agissent de l’autre. Les cols blancs et les cols bleus. Le bureau d’études et la production. La direction marketing et la direction commerciale.

Dans l’entreprise libérée, « on fait en allant » dit Jean-François Zobrist, ex-dirigeant de FAVI. On essaie. On peut se tromper. On avance à tâtons. Il n’y a pas de plan, on s’adapte en fonction des opportunités.

La France est le pays de la hiérarchie. On fonctionne par cercle concentrique autour du centre du pouvoir. La France a rédigé toutes ses constitutions sur le modèle de l’Église Catholique hyper-hiérarchisée.

Dans l’entreprise libérée, on fonctionne à plat. Les gens s’auto-organisent. Il n’y a pas de grand architecte. Pire, chez Happy, les managers sont désignés par l’équipe. Dans la plupart des cas, les salariés décident des investissements et des recrutements. Horreur : il n’y a plus de comité de direction !

Est-ce un type d’organisation répandu ?

Même si ce type d’organisation existe depuis longtemps, il n’est pas très courant. On l’enseigne peu dans les écoles. Il ne rentre pas dans les modèles véhiculés en général sur l’entreprise. Peu de gens ont idée du fonctionnement de l’entreprise libérée. Encore moins en ont l’expérience.

L’écosystème s’est constitué autour de l’entreprise classique, hiérarchique, bureaucratique. L’entreprise libérée ne consomme pas ou peu de consultants, ne court pas après les diplômés de grandes écoles. Elle recherche des investisseurs qui lui permettent de rester libérée. D’ailleurs, il ne semble pas exister de fonds d’investissement dédié aux entreprises libérées, on n’a identifié qu’une initiative en Belgique en cours de développement.

Que vont devenir les managers ?

L’entreprise libérée n’offre aucune perspective à ceux qui se destinent à une carrière de manager. On n’a pas besoin de manager, en tout cas pas au sens traditionnel. Dans le modèle de Getz, tous les signes de pouvoir sont combattus. L’organisation est totalement plate. Dans certains cas, le dirigeant est désigné par les employés pour une durée limitée.

Pour être libéré, il faut oser mettre son ego de côté. Tout le monde n’est pas prêt à cela. Avoir un travail, c’est aussi avoir des signes de pouvoir pour beaucoup.

Ce concept est-il clair ?

Aujourd’hui, le mouvement de l’entreprise libérée est piloté par Isaac Getz avec le soutien de quelques personnes autour de lui. Mais rien n’interdit à personne de se dire « nous sommes libérés », avec ou sans l’accord de Getz, que l’on soit déjà libéré, en cours de libération, en réflexion sur le sujet, ou juste pour recruter de jeunes diplômés ou pour faire bien.

Il n’y a pas de label. D’ailleurs, il ne peut pas y en avoir : cela impliquerait du contrôle ce qui serait contraire à la libération. D’ailleurs, une organisation n’est pas libérée à vie. Il arrive qu’un acteur dominant en prenne le contrôle et qu’aussitôt apparaissent des règlements, des processus, du contrôle, de la hiérarchie…

Inversement, d’autres organisations ne se revendiquent pas du mouvement, mais en ont toutes les caractéristiques. Certaines existaient avant que l’on parle de l’entreprise libérée. Il existe d’ailleurs d’autres mouvements créés parallèlement à celui de Getz qui véhicule des valeurs identiques : Responsive.org, MOM21. Healthy Organizations etc.

Ce mouvement a-t-il de l’avenir ?

Il se peut que le mouvement de Getz grandisse. Il se peut aussi qu’il se brûle les ailes, qu’il lasse, qu’il déçoive et finisse par s’éteindre bientôt. Mais il y en restera toujours quelque chose.

Le mouvement vise en priorité des dirigeants. En effet, selon Getz, seul le dirigeant a le pouvoir de faire bouger les choses. Mais force est de constater que le mouvement trouve de l’engouement auprès d’une population constituée de consultants et de coachs quand il ne s’agit pas de salariés désespérés de l’entreprise classique et de ceux qui ont ce que Graeber appelle des  » bullshit jobs« . Bref, l’entreprise libérée interpelle tous ceux qu’elle libère vraiment plus que les libérateurs.

Une entreprise peut-elle se libérer sans être une « entreprise libérée » ?

Ironiquement, cet engouement à la fois flatteur et encombrant pour Getz est peut-être aussi l’avenir de la libération. Car dans ce mouvement de masse, il y a l’expression d’un besoin de changement de la relation au travail. Ce besoin n’émane justement pas de dirigeants, mais de dirigés. Et il existe d’ailleurs dans les entreprises classiques des initiatives libératoires surprenantes qui émanent de leaders qui n’ont ni titres, ni l’autorité de changer l’organisation. C’est en dehors du périmètre du mouvement de Getz, mais c’est tout aussi libérateur.

Ainsi il existe à la SNCF (qui oserait associer SNCF et entreprise libérée ? et pourtant…) une initiative développée il y a plusieurs années notamment sur les régions Saint-Lazare et Normandie et appelée  » réseaux apprenants« . Les réseaux apprenants ont donné l’opportunité à des cheminots de s’impliquer en toute liberté, avec la possibilité de se tromper, sur l’identification et la résolution de problèmes.

Ainsi, plusieurs dizaines de réseaux se sont créés et ont permis de résoudre des problèmes qui n’avaient pas été identifiés par la hiérarchie. Et surtout, cela a redonné à certains le goût d’aller au travail et de s’impliquer.

La SNCF pourrait utiliser ces retours d’expérience pour comparer l’efficacité et le coût des réseaux apprenants par rapport à ceux du mode de management classique. Mais ces initiatives restent marginales et peu de gens en ont connaissance. Dans les grandes entreprises, il n’existe pas d’incitation à communiquer et étendre ce type de pratiques.

Mais ces initiatives fonctionnent sur la base du bénévolat alors que les enjeux sont considérables pour le bien-être des gens au travail et pour l’efficacité économique. Partager ces initiatives, les faire connaître permettrait d’aller encore plus loin. Et si les libérés avaient plus d’avenir que l’entreprise libérée…

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La démocratie locale fonctionne ! Si on en croit Vandoncourt

 

La démocratie locale fonctionne ! Si on en croit Vandoncourt

 

Dans le monde des alternatives il y en a qui font des envieux, notamment le village de Vandoncourt dans le Doubs pionnier de la démocratie directe locale et ce depuis 1971 ! Les 800 habitants n’ont pas attendu les tumultes de la politique actuelle pour prendre les choses en mains. A l’époque, Jean-Pierre Maillard-Salin retraité de l’éducation nationale accompagné d’une bande de jeunes avaient présenté une liste aux élections électoral avec comme slogan : Démocratie, contrôle populaire et autogestion.Une idée simple, un choix collectifLa liste fraichement élue va mettre en place la démocratie directe et locale avec l’instauration de 8 commissions extra-municipales permettant d’enrichir le débat et de dégager des décisions communes, prises par consensus lors du conseil municipal. Comme dans n’importe quelle commune, celui-ci est ouvert aux habitants, sauf qu’ici, ils ont désormais le droit de prendre la parole, chacun a son mot à dire et son avis compte autant que celui d’un élu. De plus, chaque conseiller municipal se voit attribuer une rue afin de faire remonter les attentes du terrain.

Le débat est ainsi encouragé et le conseil municipal est tenu de suivre l’avis des habitants. En cas de désaccord, des référendums peuvent être organisés comme ce fut le cas pour l’implantation d’une épicerie.

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Un modèle à généraliser ?

Nombre de citoyens en France envieraient une telle transparence. La commission extra municipale préposée au budget, par exemple, affiche dans la salle du Conseil municipal tous les postes de dépenses de la commune : cela fait l’objet de multiples discussions, notamment autour de la problématique : faut-il reporter certains travaux ou bien augmenter les impôts ? «Dès fois, quand le financement ne permet pas de réaliser un projet, on le diffère d’un an ; d’autres fois la population est sollicitée pour mettre la main à la pâte.» nous apprend Reporterre.

Socialibisation, un aspect de la démocratie locale

Mais cette autogestion ne permet pas seulement à la démocratie directe locale d’exister, elle est un véritable tisseur de liens sociaux. Le quotidien est en effet rythmé par les initiatives organisées par les vingt-huit associations que compte la commune.

Ainsi, plus de deux cents bénévoles participent chaque année à l’organisation de la Fête des saveurs, tandis que des chantiers participatifs ont débouché sur la restauration du temple du village, la réfection de la salle polyvalente ou la création d’un centre de vacances géré par les parents. Cela permet à la municipalité de faire de substantielles économies, et d’améliorer le cadre de vie des habitants.

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Qu’en reste-t-il au bout de 40 ans ?

Malgré une baisse de la présence des citoyens dans les commissions, celle-ci s’expliquant par une confiance à l’égard de l’équipe municipale, nul doute que la démocratie directe est une réussite dans cette commune. Néanmoins celle-ci reste confinée à une certaine échelle et n’est pas forcément applicable partout. Cependant, l’expérience prouve que des alternatives sont possibles et viables. Reste à prendre  les choses en main pour les mettre en application là où nous vivons.


Source : Reporterre / Populaction.com / Images : audincourt-disonjumelage

Le pouvoir de l’intelligence collective

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Ce documentaire est le bilan de quatre années d’expérimentation d’un nouveau modèle de gouvernance participative, la sociocratie, organisé en coopérative de solidarité. Réalisé dans le cadre du projet du laboratoire rural «Mon rêve, mon village» à la Coop situé à Très-Saint-Rédempteur, le documentaire vise à transmettre les connaissances et expériences acquises tout au long du projet.
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