Diversité des motivations

Diversité des motivations

Cet article est la suite de « Densifier le pavillonnaire »

diviser un terrainLe décès du conjoint est le quatrième motif de division du terrain. Selon l’âge et la situation, ce motif rejoint les précédents : il déclenche la division quand on ne peut plus entretenir seul le jardin, et quand l’apport permet de compenser la perte du revenu du défunt, ou d’être plus à l’aise au quotidien.

Le décès d’un parent (cinquième type de changement) peut induire, dans le cadre de sa succession, la division de sa parcelle en autant de terrains à bâtir qu’il y a d’héritiers, ce qui valorise l’ensemble. Ces cas ont pu être relevés dans des agglomérations, mais surtout dans un pôle rural de l’Eure. Si la division semble un moyen « traditionnel » de partage familial du patrimoine foncier dans les campagnes, aujourd’hui la valorisation en terrain constructible s’impose de plus en plus dans nos territoires en voie de périurbanisation généralisée. C’est ce qui se joue dans d’autres secteurs ruraux du même département qui accueillent des ménages polarisés par l’Ile-de-France.

Loger ses proches (sixième motif), est courant en Haute-Normandie. Des propriétaires construisent pour leur enfant un petit logement sur leur terrain (souvent sans division, avec ou non location). Ce motif marque même une commune de seconde couronne de Rouen, à laquelle sa population est attachée. Là, des ménages ne trouvant pas de terrain libre abordable (ou alors jugé trop loin), leurs parents divisent une partie de leur terrain et la cèdent, via un arrangement avec ou sans contrepartie financière. A l’inverse, sur une partie de leur jardin divisée ou non, des enfants logent leurs parents âgés en perte d’autonomie qui ont besoin d’adapter leur habitat, en leur permettant de se bâtir une maison de plain-pied, ou en leur construisant un logement adapté.

Septième type de motif, divers profils de ménages divisent une partie de leur terrain pour financer leurs projets ou satisfaire leurs besoins : solder un prêt, à l’accession notamment (remboursement anticipé) ; se faire plaisir, améliorer son confort quotidien ; au contraire faire face à de lourdes dépenses (maladie, accident, chômage, travaux de rénovation), aider des proches (financement d’études, rupture, difficultés) ; ou encore investir dans son entreprise.

Un huitième type de motif est plutôt une stratégie des ménages en capacité d’investir : soit dans le foncier, en rachetant un terrain déjà bâti qu’ils revendent avec plus-value en le divisant, soit en même temps dans l’immobilier, en construisant, sur le terrain issu de division, une maison à vendre, ou à louer. Dans ce dernier cas, l’investissement relève souvent du dispositif Scellier, y compris Scellier social voire [tooltip title= » » content= »Bâtiment de Basse Consommation » type= »classic » ]BBC[/tooltip], pour optimiser les réductions d’impôt.

Enfin, certains ménages inventent des solutions fondées sur la division. Cas le plus courant, pour acheter une maison, la division du terrain sert à financer après-coup cet achat (voire à rénover). Puis, pour pallier une pénurie de terrain libre, on peut racheter un terrain déjà bâti, le diviser et se créer soi-même son terrain pour le bâtir, en vendant alors la première maison (solution appliquée aussi par un couple âgé pour se bâtir une maison adaptée). Une variante, pour qui occupe la première maison et veut réaliser son projet neuf tout en restant dans le quartier, est de permuter une fois la construction achevée, auquel cas la division intervient souvent après. Dans cette veine, sur son nouveau terrain de surface minimale (moins de 200 m²), un ménage a réalisé un projet écologique pour s’engager dans un mode de vie sobre. Ces auto-créations de foncier imbriquent donc une offre avec une demande, et plusieurs demandes peuvent aussi susciter une offre. Pour s’installer dans un quartier péricentral, un ménage avait incité des divisions en vain ; mais il a su qu’un autre avait réussi à convaincre un propriétaire de le faire pour acheter à moindre prix la maison et s’y installer, et a ainsi pu bâtir sur le nouveau terrain créé.

Ces « experts » sont le point d’orgue d’une filière spontanée et variée d’offre de foncier à bâtir, qui densifie la ville par addition d’actions ponctuelles. Les derniers motifs permettent alors d’approcher la frontière avec les professionnels, car il s’agit parfois de particuliers qui vont jusqu’à se faire aménageurs amateurs (viabilisant les terrains), mais aussi d’agents immobiliers exploitant leurs carnets d’adresses pour racheter des terrains voire investir dans la construction. Si ces acteurs individuels ont indiqué que l’intérêt financier de ces opérations est plutôt élevé, nous n’avons pas rencontré d’aménageur professionnel investi sur ce créneau, sans doute pour raisons économiques.

A suivre…

Article publié dans « La revue études Foncières » n°155, écrit par Bruno Sabatier et Isabelle Fordin, chargés d’études au CETE Normandie-Centre et au CETE île-de-France

Marc