Un promoteur/lotisseur peut-il m’empêcher d’aménager mon terrain en extension de son opération ?

Lorsqu’une zone à aménager d’un PLU englobe plusieurs propriétés, l’aménageur qui aura initié une première tranche du projet sur l’une ou plusieurs d’entre elles, sera souvent tenté de prendre en otage les autres propriétaires, surtout s’ils ont refusé de céder leur part de terrain au prix que ce dernier aurait jugé acceptable !

Qu’en est-il donc de ces pratiques qui consistent, pour l’aménageur, à conserver, par devers lui, une bande de terrain, dans le but de provoquer artificiellement l’enclavement des autres propriétés aménageables ?

Nous verrons que, dans la plupart des cas, il s’agit juridiquement d’une solution inefficace. Puis, nous étudierons dans quelle mesure, parce que les propriétaires voisins auront été mis en situation  de co-construire le projet urbain, il peut être envisagé que l’aménageur soit dédommagé d’une part des investissements réalisés, pour avoir eu le mérite de prendre le risque des études et travaux sur une opération d’ensemble.

Examinons donc tout d’abord, le cas où l’aménageur a réalisé une première tranche de travaux en conservant une bande d’un mètre de large de terrain en bout de voirie.

L’erreur la plus souvent commise par l’aménageur est de ne pas prendre le soin d’exclure de son périmètre loti l’emprise de terrain qu’il souhaite conserver ! En effet, sans cette précaution, ladite emprise fait partie du projet urbain. Non seulement, son aménagement doit être décrit dans le programme des travaux, mais plus encore, son assiette fait partie des espaces communs qui sont à rétrocéder, soit à la commune, soit à l’association syndicale, si c’est le choix retenu. Dès lors, l’une ou l’autre ont un droit de regard sur le devenir de cet espace, y compris sur sa valorisation, sauf précaution apportée à ce sujet dans le cahier des charges…

En réalité, même avec cette précaution, il sera difficile à l’aménageur d’empêcher le désenclavement des terrains voisins.

  1. D’abord, les orientations d’aménagement de la zone imposent sûrement un schéma de desserte par des voies de circulation, de sorte que la puissance publique rendra nécessaire l’entente entre les parties : à défaut, la collectivité pourra toujours instituer un emplacement réservé « création de voie » sur les emprises privées qui viendraient contrevenir à l’intérêt général.
  2. L’aménageur aurait tort de sous-estimer les effets de l’article 682 du code civil qui veut qu’un propriétaire qui serait privé d’un accès à la voie publique puisse être désenclavé afin de pouvoir jouir pleinement des possibilités d’exploitation de son bien, moyennant une « indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner ».

L’on constate donc que les chances pour un aménageur de tirer un fruit de son investissement à l’égard de propriétaires riverains sont assez réduites !

Pour autant, nous estimons qu’elles ne sont pas toujours nulles !

En effet, si l’on imagine qu’un aménageur proposait à un propriétaire riverain de partager le coût de mise en viabilité d’une voie qu’il installerait « à cheval » entre leurs propriétés respectives pour respecter le principe de desserte des OAP (orientations d’aménagement et de programmation), mais que ce dernier refusait explicitement cette proposition, obligeant l’aménageur à créer la voie exclusivement et à ses seuls frais sur sa propriété, l’on pourrait objectivement en déduire que le propriétaire voisin s’est lui-même enclavé !

Nous ignorons si le Juge de l’ordre judiciaire lui refuserait le désenclavement par la voie nouvelle ainsi réalisée, mais il est probable qu’il lui infligerait de devoir supporter le remboursement du coût d’une partie des ouvrages, à titre d’indemnité « proportionnée au dommage occasionné », si celui-ci venait à faire jouer, avec la plus grande mauvaise foi, l’article 682 du code civil.

Nous laissons aux Avocats et juristes spécialisés le soin de commenter notre analyse.

 

 

 

Vous cédez votre terrain à un promoteur/aménageur : exigez un terme extinctif au délai fixé dans l’avant-contrat !

La plupart des ventes de biens immobiliers à des aménageurs/promoteurs se réalisent en deux temps : d’abord l’avant-contrat, puis l’acte authentique.

Ceci pour une raison simple, à savoir que le professionnel de l’immobilier qui se propose acquérir le bien (terrain bâti ou non), fait un pari à la fois sur le montant de sa dépense en travaux, honoraires d’études et autres frais divers, et, à la fois, sur le  chiffre d’affaire susceptible d’être produit par la commercialisation de sa future réalisation immobilière.

Aussi, afin de maîtriser le risque de se tromper sur l’un et/ou sur l’autre, il demandera au vendeur, avec l’appui de son Notaire, qu’il accepte de signer une promesse de vente sous la condition principale d’obtenir l’accord des administrations sur son projet immobilier. Le prix proposé pour le bien est alors réglé au moment de la régularisation de l’acte authentique, lorsque l’autorisation est devenue définitive (délais de purge des recours de tiers, de retrait, ou de déféré préfectoral écoulés) et, de préférence, dans un délai n’excédant pas 18 mois (cf https://bleard-lecocq.com/4078/2018/12/02/de-linteret-de-savoir-obtenir-une-autorisation-durbanisme-sous-18-mois-l290-1-et-l290-2-du-cch/).

Or, la plupart du temps, sans doute pour compenser l’obligation pour le promoteur d’engager des frais non négligeables pour obtenir les autorisations réglementaires nécessaires, les Notaires ont tendance à rédiger une promesse synallagmatique de vente, avec, par défaut, une clause de reconduction tacite de celle-ci, au-delà du délai de l’avant-contrat.

Mais alors, en cas de défaillance du candidat acquéreur, le vendeur ne dispose que de la faculté de « mettre en demeure » le promoteur « d’acquérir », ce à quoi le ce dernier peut parfaitement se soustraire. Ainsi, seul le Juge peut défaire l’avant-contrat ainsi formé ! Cette démarche désagréable peut prendre beaucoup de temps, et nécessite le concours d’un Avocat !

Ceci n’est donc pas sans poser des problèmes importants, dans de nombreux cas de figure car il n’est pas rare qu’à l’extinction du délai, le promoteur ne soit pas prêt à acquérir : soit il ne dispose pas encore d’une autorisation d’urbanisme définitive, soit celle-ci fait l’objet d’un recours d’un tiers qu’il convient de traiter, soit encore, la commercialisation du projet immobilier, ou du lotissement ne donne pas la satisfaction espérée.

Dans tous ces cas, la clause de reconduction tacite le met en position de force à l’égard du vendeur, qui n’est pas toujours tenu informé des difficultés que rencontre son candidat acquéreur.

Nous conseillons donc à nos clients propriétaires d’exiger pour la signature de l’avant-contrat, soit une promesse synallagmatique de vente avec un terme extinctif, soit une promesse unilatérale de vente avec un délai de levée d’option, afin de recouvrer la maîtrise de leur bien à l’issue d’un délai parfaitement maîtrisé !

Cette solution est très contraignante pour l’aménageur/promoteur, mais elle a le mérite d’aider le propriétaire à distinguer parmi les promesses d’achat qui lui sont faites, celles qui ont une vraie chance d’aboutir à la signature d’un acte authentique (les candidats acquéreurs formulent des offres plus raisonnables en prix et plus sérieuses en matière d’engagement), de celles qui laissent miroiter des prix impossibles à tenir, même avec beaucoup de patience !…